9 juil. 2007

VILLES AU SAHARA

Cités du désert de Mauritanie
Les cités du désert de Mauritanie font l'objet d'un plan de sauvegarde de l'Unesco visant à préserver les richesses culturelles. Une préservation qui vise tant les monuments que l'homme lui-même, dans ses pratiques quotidiennes ancestrales et ses traditions séculaires.
L'origine des cités du désert La République islamique de Mauritanie occupe un vaste territoire s'étendant des solitudes désertiques du Sahara occidental aux rives du fleuve Sénégal. Cette situation géographique privilégiée a donné à ses habitants un rôle d'intermédiaire entre le Maghreb et la Méditerranée d'une part, les vallées du Sénégal et du Niger d'autre part. Les échanges commerciaux, les brassages ethniques, les courants culturels ont marqué cette région, véritable carrefour des influences et des contacts entre l'Afrique du Nord et le monde noir. Ces courants d'échanges, ces itinéraires caravaniers ont été à l'origine de centres urbains, marchés et étapes des activités commerciales, mais également pôles régionaux, économiques et culturels. Dès l'expansion berbère des IVe et VIIe siècles apr. J.C., naît et se développe un premier groupe de cités commerçantes et de centres politiques: parmi ceux-ci figurent Awdaghost, Azougui, et plus au sud la capitale de l'empire du Ghana, dont l'identification archéologique demeure l'objet de discussions scientifiques. À cette époque les auteurs arabes, informés par des voyageurs et des commerçants maghrébins, parlent de Birou, petite capitale régionale sur un des itinéraires caravaniers vers la vallée du Niger.
En 1352, le grand voyageur Ibn Batutta, en route vers la capitale du Mali, décrit le premier centre urbain frontalier de cet empire: la cité d'Iwalaten, dont l'identification avec l'ancienne Birou, comme avec la plus récente Oualata, semble désormais admise. Un siècle plus tard, les navigateurs portugais sont informés, lors de leurs contacts avec les populations côtières, de l'existence de cités commerçantes à l'intérieur du pays: apparaissent alors les premiers textes parlant de Ouadane, Chinguetti et Tichit.
L'origine de ces cités est évoquée par diverses traditions orales et les chroniques de Oualata et de Tichit: nous y apprenons que, bénéficiant de l'intensité des activités commerciales du trafic transsaharien, elles sont créées dès les XIIe et XIIIe siècles de notre ère et qu'elles connaissent un essor remarquable pendant des siècles. Malgré les conflits internes qui déchirent la Mauritanie aux XVIe et XVIIe siècles, ces cités s'agrandissent et bénéficient d'une réputation dépassant les limites de l'Ouest saharien; elles multiplient leurs activités artisanales et rassemblent dans leurs murs des groupes d'éminents lettrés dont l'enseignement, les écrits et les bibliothèques deviennent les éléments d'une véritable renaissance des études islamiques en Afrique de l'Ouest.
Ouadane, Chinguetti, Tichit et Oualata
Mauritanie Malgré le détournement d'une partie importante du commerce transsaharien en raison du développement de la navigation circumafricaine des flottes européennes, quatre cités de Mauritanie continueront à jouer un rôle important dans la vie économique comme dans les secteurs de l'enseignement coranique et des études juridiques: Ouadane, Chinguetti, Tichit et Oualata. Aux XVIIIe et XIXe siècles, elles dominent l'ensemble des transactions nord‑sud, mais également est‑ouest, en particulier pour le commerce des barres de sel, des productions agricoles des oasis et la diffusion des tissus et autres importations européennes. Leur rayonnement intellectuel déborde largement les limites de l'Ouest africain et les pèlerins mecquois connaissent la lointaine Mauritanie à travers la désignation du Bilad Chinguitti, dont les lettrés et les pieux voyageurs sont célébrés dans tous les grands centres du monde islamique.
Dans ces quatre cités se développe une architecture influencée par l'environnement saharien et utilisant remarquablement les matériaux locaux: grès rougeâtres de l'Adrar, plaques de schiste gris du Dhar Tichit, «banco» ocré de Oualata. Chacune de ces cités se caractérise par des éléments décoratifs particuliers: les maîtres maçons de Tichit excellent dans la juxtaposition des plaques de schiste polychromes, tandis que les femmes de Oualata multiplient sur les murs de leurs demeures des peintures d'un symbolisme aujourdhui encore partiellement inconnu. À Chinguetti s'élève le plus parfait minaret de ces cités mauritaniennes, tandis que la palmeraie de Ouadane entoure les hautes demeures patriciennes des plus anciens quartiers de la ville. Dans chacune de ces agglomérations s'accumulent les ouvrages et manuscrits acquis dans l'ensemble du monde musulman. Tant de richesses suscitent bien des convoitises et l'histoire de ces villes est ponctuée d'agressions, de sièges, d'interceptions de caravanes. Il n'en demeure pas moins qu'à la fin du XIXe siècle encore, ces cités illustrent toute une histoire urbaine à la périphérie du Sahara, et tel lettré mauritanien, écrivant en Égypte aux premières années du XXe siècle, en rappelle la splendeur et la liste impressionnante des érudits qui y dispensent encore un enseignement connu bien au‑delà des frontières de l'Ouest saharien.
Le déclin En quelques décennies cependant, ces quatre cités vont connaître un rapide déclin. Dès les premières années du XXe siècle, la conquête et l'occupation coloniales imposent un ordre administratif étranger, modifient fondamentalement les itinéraires traditionnels, structurent le territoire de la Mauritanie selon les critères de sécurité militaire, de maintien de l'ordre et d'intégration à l'ensemble impérial français de «l'Afrique occidentale». De nouveaux postes sont créés, trafic commercial et populations se détournent des anciennes métropoles régionales. Néma est préférée à Oualata, et Atar concentre rapidement toutes les nouvelles activités autrefois réparties entre Ouadane et Chinguetti. Les routes coloniales laissent ces quatre cités à l'écart du développement moderne, tandis que l'aggravation du dessèchement climatique tend à réduire dangereusement les cultures d'oasis, accélérant l'exode des populations vers les nouveaux centres urbains.
Des cités menacées En cette fin du XXe siècle, ces quatre cités se trouvent dans une situation dramatique. Deux d'entre elles, Ouadane et Tichit, totalement isolées aux limites des zones désertiques de l'Ouest saharien, perdent, en vingt ans, plus des trois quarts de leur population. Les maisons sont peu à peu abandonnées, les bibliothèques confiées à quelques vénérables érudits, les marchés désertés. Les conflits récents, accentuant l'isolement de ces deux agglomérations, semblent leur porter le coup fatal. Plus proches des capitales régionales, bénéficiant de l'appui de communautés d'immigrés installées dans la jeune capitale de la Mauritanie, Chinguetti et Oualata tentent de maintenir une petite partie de leurs activités et refusent de devenir les seuls symboles du passé architectural et culturel du pays.
Le plan de sauvegarde conçu par l'Unesco Il s'intègre dans un programme de développement national, dont les priorités sont la lutte contre l'ensablement et la désertification, l'arrêt du dépeuplement des régions rurales, la conquête de l'indépendance alimentaire. La restauration des principaux bâtiments des quatre cités du désert s'inscrit donc dans une intervention systématique touchant les différents secteurs de l'activité économique et culturelle: création de parcelles boisées pour fixer les dunes, introduction d'arbres fruitiers dans les palmeraies, création de bergeries modèles et d'infirmeries vétérinaires, fondation de centres de promotion féminine dispensant des cours d'alphabétisation et d'hygiène alimentaire, instauration de coopératives de femmes pour maintenir les techniques traditionnelles de l'artisanat local, notamment dans les domaines de la peinture murale, de la poterie et de la broderie.

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