22 sept. 2008

Le monde caravanier du Sahara

Le monde caravanier du Sahara... Transboreal

Le monde caravanier du Sahara par Jean-Pierre ValentinLe 10 octobre 2007 à 20 heures 30En partenariat avec le magazine Animan
Depuis la nuit des temps, des caravanes sillonnent le Sahara et accompagnent les pèlerins, les commerçants et les trafiquants au cœur de ses immensités inhospitalières… Que deviennent, à l’aube du XXIe siècle, ces files de dromadaires, ces expéditions hauturières qui arpentent inlassablement le désert ?Les Touaregs des monts de l’Aïr s’élancent dès l’automne pour de longs mois. À la suite d’un madugu, le maître de la caravane, qui connaît l’itinéraire, les chameliers kel ewey traversent le Ténéré en direction des salines et des palmeraies du Kaouar. Chargés de ballots de foin, les dromadaires chenillent dans les larges vallées avant d’affronter l’aveuglante lumière lors d’étapes interminables. À l’ouest de l’Adrar Madet, le puisard d’Ajioua signale le dernier repère, au pied du massif. Les provisions d’eau et de bois effectuées, les hommes – un pour dix bêtes – piquent plein est, via la falaise et le puits d’Achegour. Avant les premières lueurs et jusqu’à la nuit avancée, les files progressent, sans jamais s’arrêter. Il faut marcher, mener trois cents chameaux bâtés et atteindre l’autre rive avant que les provisions ne s’épuisent. Dans l’oasis d’Achenouma, les denrées transportées – blé, mil, oignons, tomates, piments rouges et fromages déshydratés – sont échangées contre des monceaux de dattes. Le troc domine, où deux types de mesure permettent les transactions entre éleveurs touaregs et sédentaires kanouris ou toubous. Pendant que sont confectionnés les contenants en fibres de palme, certains hommes dirigent une centaine de dromadaires vers Kalala, l’aire salifère qui jouxte le bourg de Bilma. Là, ils achètent les cônes et les galettes de sel gemme prisés des nomades du Sahel. Cette caravane, comme toutes celles qui persistent au Sahara, est une aventure commerciale d’envergure nécessaire à la survie de groupes humains importants. La taghlamt des Touaregs du Ténéré représente la première tranche, la plus fascinante, d’un itinéraire qui conduit ensuite les caravaniers vers les marchés et les champs du Soudan, en bordure de la frontière nigériane.Les Toubous du massif du Djado, aux confins du Sahara nigérien, pratiquent également l’échange caravanier au long cours. À certaines saisons, ce sont même leurs femmes qui conduisent les « vaisseaux du désert » au cœur du Ténéré méridional. Les épouses touboues, fines, tout en os, poignard de bras bien visible, fréquentent crânement l’âpreté des sables, l’erg de Bilma. Leurs files chamelières sont moins rodées peut-être que celles menées par les Kel Ewey, plus hétéroclites, mais évoluent dans un univers tout en volume, en courbe, en cols à franchir. Il faut dans ce chaos dunaire éviter la bascule des faix au fond des ravins sablonneux, redoubler de vigilance quand souffle le vent qui masque les reliefs… Ces équipées bien souvent familiales atteignent les marchés de Ngourti, Nguigmi, Tasker, les rives du lac Tchad.Aux limites sud du désert, cernés par une steppe rabougrie, les nomades wodaabe marchent devant leurs zébus et, dès la fin de l’hivernage, célèbrent la beauté lors de rassemblements festifs imposants. Ils mènent inlassablement leurs majestueux troupeaux aux limites des terres arables. Riche de tabous vieux comme le monde, ce peuple, dit « de l’interdit », perpétue un mode de vie d’une extrême mobilité, toujours à la recherche du bien-être de son bétail, aux aguets, à la poursuite des nuages… Ses campements sont invisibles, évanouis dans l’univers steppique des terres subsahariennes. Si la saison les y oblige, les éleveurs peuvent parcourir des distances énormes, changer de pays pour sauver leurs animaux. Comme tous les pasteurs, ils utilisent le sel fossile du désert pour accroître la vitalité de leurs bêtes.
Après avoir vécu auprès des éleveurs ouest-africains, nomades wodaabe, transhumants touaregs, chameliers maures, bergers aït atta du Haut-Atlas central marocain, Jean-Pierre Valentin a désiré arpenter d’autres horizons, pourtant voisins, en vue de suivre le transport et le commerce des dattes et du sel gemme.Il voulait vivre ces caravanes contemporaines de l’intérieur et, comme pour ses séjours au cœur des campements, s’y sentir en immersion.Si le désert lui a d’abord permis de s’éloigner de notre société matérielle aux repères flous, son immensité est vite devenue un lieu de quête, de recherche d’expériences constructives. Passé les premiers séjours par trop contemplatifs ou manichéens, le voyageur est devenu un « rat » de bibliothèque, un chineur toujours en appétit de découvertes inattendues. Comme souvent, si l’idéalisation est aisée – dans un monde de pasteurs simples où la vie est belle –, la réalité est douloureuse dès que s’estompe le voile – surtout quand l’univers abordé est en proie aux rébellions !Régulièrement, au cours de ses voyages, Jean-Pierre Valentin a croisé le chemin de files commerciales d’ânes ou de dromadaires. C’est en Mauritanie orientale que le contact s’opère plus directement. Là, il se souvient d’un crépuscule où, avec deux amis maures dans l’attente d’une caravane depuis des jours, il est tombé nez à nez avec une escouade du clan El-Taleb à la tête de trente-deux chameaux chargés d’amersâl, de la croûte de sel… Ces Sahariens, parfaitement à l’aise, évidemment à leur place dans leur milieu, étaient tout surpris de son excitation communicative ! C’est au Niger surtout qu’il a eu la chance d’accompagner des caravanes hauturières, au cœur de régions imposantes. Les itinéraires principaux sont connus, reste à rencontrer son madugu, son guide, à fixer un rendez-vous et à prendre la piste… Le défi en ce qui le concernait était de vivre la caravane touarègue, d’y prendre pleinement part, mais aussi de la filmer ! Quand on sait que la traversée est menée tambour battant, sans répit, de l’aurore à la nuit avancée, il faut alors l’imaginer, toujours préoccupé par le matériel, suer sang et eau pour devancer puis rattraper la colonne… de la haute voltige exténuante, atténuée par la participation de ses hôtes qui s’amusaient de cette suractivité chronique.Plus tard, avec les caravanes menées par les femmes touboues, dans les vallons de l’erg de Bilma, l’épreuve sera moins pénible, du fait principalement de journées de marche réduites. Les Toubous ne transportent pas de fourrage pour leurs bêtes, aussi chaque minuscule pâturage est-il l’occasion d’une halte, toujours pour le bien-être des chameaux.Jean-Pierre Valentin a pleinement vécu ces caravanes, cette expérience d’exception du désert, malgré la difficulté liée en particulier aux tournages, comme la récompense ultime de ses pérégrinations sahariennes.
Livre de l’intervenant en rapport avec cette conférence :Ténéré, Avec les caravaniers du Niger
En savoir davantage sur :Jean-Pierre Valentin

“Sahara - Sur la route des caravanes...

ICRA International - Actualités
Les 20 ans d’ICRA : “Sahara - Sur la route des caravanes...
Dans le cadre du festival des peuples premiers, Jean-Pierre Valentin présentera ses deux derniers documentaires : “Sahara - Sur la route des Caravanes..." le vendredi 19 septembre à 18 H 30.

10 sept. 2008

LE LAC TCHAD MENACÉ DE DISPARITION

LE LAC TCHAD MENACÉ DE DISPARITION
En 40 ans, cette réserve d’eau douce a perdu 80% de sa superficie. Les scientifiques tentent d’expliquer les causes de cet assèchement.Pour un grand nombre de personnes, l'assèchement du Lac Tchad est dû aux changements climatiques. Les tenants de cette thèse, relèvent qu’au cours des trois dernières décennies, les précipitations ont été très déficitaires dans la zone sahélienne. Dans le même temps, des chercheurs croient savoir qu’il s’agit d’un problème de surexploitation du lac. Le Pr Maurice Tsalefac de l’université de Yaoundé I, « la péjoration pluviométrique entraîne une raréfaction des ressources. Les populations sont alors obligées de migrer vers les zones humides où elles peuvent trouver de quoi vivre. »Pour lui, les deux facteurs (changement climatique en amont, et action de l’homme en aval) agissent ensemble. « Les changements climatiques dit-il, déclenchent des processus que l’homme accélère. » Le Pr Tsalefac appuie son argumentation sur les actions entreprises par les Etats et les populations qui multiplient des projets qui captent une bonne partie de l’eau qui alimente habituellement le lac. C’est ainsi que de 25 000 Km2 en 1963 le lac Tchad n’a plus que 2000 Km2 aujourd’hui.Luc Descroix, hydrologue et chercheur attribue la régression du lac Tchad à la baisse du débit de ses affluents. Il explique que les rivières provenant des régions tropicales humides (le Chari et le Logone) ou secondairement soudano-sahéliennes (Komadougou) ont connu une baisse des débits de leur cours. Cette baisse est liée à deux causes : d'une part la baisse de la pluviométrie entre 1968 et 1997 qui a entraîné des conséquences diverses: dans les zones de climats "soudanien" et "guinéen", cette baisse des débits a été accentuée à cause de la baisse des pluies. Une baisse de l'ordre de 10 à 20%, celle des débits de 20 à 75%. Luc Descroix fait aussi savoir que la diminution du Lac Tchad est due au fait que le débit des cours d'eau dans cette région est constitué par l'eau qui est en surplus dans les sols et les bassins versants. Les sols peuvent contenir une certaine quantité d'eau, ensuite elles débordent. Comme la quantité d'eau nécessaire à leur saturation varie peu dans le temps, une baisse de la pluviométrie ne modifie pas ou peu (sauf sur une longue durée) la quantité d'eau qui va se stocker dans le sol, par contre, elle va affecter la partie supplémentaire de celle qui aurait du ruisseler, donc des eaux de surface. Il y a donc eu dans cette région, presque 30 ans de sécheresse, qui a eu un impact négatif sur les réserves en eau du sol. Là où elles existaient (eau résiduelle, nappes perchées, etc), ces réserves ont été épuisées.La relative augmentation des débits depuis 1998 avec l’augmentation des pluies ne permet pas à la pluviométrie moyenne de rattraper son niveau d'avant 1963, et elle s'accompagne d'une augmentation de l'irrégularité interannuelle. Il y a donc en fait, une succession de bonnes et de mauvaises années.L'action de l’hommeDans le cas du bassin du Tchad, les périmètres irrigués de la basse vallée du Chari et du Logone , spécialisés la culture du coton, ont pu ponctionner, surtout en années déficitaires, de gros volumes d'eau de ces cours d'eau, mais cela n'a jamais atteint la démesure constatée, en Asie centrale ex-soviétique,par la catastrophe d e la mer d'Aral; une étudiante de Guillaume Favreau a fourni un croquis des débits du Chari avec et sans la ponction due à l'irrigation et il apparaît que cette ponction semble tout a fait raisonnable.Un recul dramatiqueLe lac Tchad est un grand lac peu profond d'Afrique (7mètres de profondeur) et dont les eaux sont douces. Son rôle économique est très important, car il fournit de l'eau à plus de 20 millions de personnes des quatre pays limitrophes : le Tchad,le Cameroun, le Niger et le Nigeria.Le principal apport en eau du lac Tchad vient du fleuve Chari et de son affluent Logone, tous deux issus des montagnes de la République centrafricaine. L’autre cours d’eau qui aurait constitué un apport important pour le lac est le Komadugu-Yobé, venant du Nigeria, mais le cours d’eau est aujourd’hui affaibli par la présence de deux barrages en amont.Le recul du lac dans les années 1970-80 n'a pas eu que des inconvénients. Les nouvelles terres émergées, encore humides, ont permis d'entreprendre des cultures très productives au sud du Tchad. Ces rives sont devenues un véritable potager pour Ndjamena car des agriculteurs y ont trouvé un terrain fertile pour la culture des fruits, légumes mais aussi céréales (riz, maïs...). L'agriculture de décrue fit vivre confortablement aujourd’hui près d’un demi-millier de Tchadiens.Mais il est important de signaler que ces cultures accentuent la réduction du lac, car plus l’agriculture est pratiquée sur ces berges, plus il y a des besoins en irrigation. Une étude sur le lac Tchad financée par la Nasa dans le cadre de son système d’observation de la Terre montre des variations importantes sur le lac et rend les spécialistes très pessimistes quant à l’avenir du lac. La seule issue reste aujourd’hui, la solution préconisée par le Commission du bassin du Lac Tchad qui regroupe les chefs d’Etat des pays limitrophes du Lac. Le projet d’envergure vise à transférer les eaux du fleuve Oubangui par un ‘’pipe line’’ pour renflouer le lac en eau. Un projet ambitieux qui tarde à démarrer alors le processus de disparition du lac s’accélère.Christophe Mvondo(Nouvelle Expression,Cameroun)