1 janv. 2007

SADDAM: BOURREAU OU HEROS ?

LA CORDE ET LA DETTE
Il est mort. A l’aube, ce samedi 30 décembre 2006. Pendu haut et court. Comme un vulgaire malfrat. Le terme « exécuté », utilisé par la presse devant l’embarras de la bonne formule semble désuet. Son sang a coulé en ce jour de l’Aïd-El-Kébir, comme un agneau expiatoire. Sacrifice ou profanation ? Choix délibéré d’une date symbolique
ou erreur de calendrier ? Juste avant l’entrée en fonction du
nouveau Congrès américain. Peu de Chefs d’Etat déchus, ont
connu un tel sort. Nicolae Ceauşescu de Roumanie a eu une mort
violente certes, mais plus « digne » d’un chef d'Etat même destitué. Les réactions contre cette forme de mise à mort digne de la tauromachie n’y changeront rien. Les larmes de l’Occident n’impressionnent personne. Jugé, condamné puis exécuté, l’ancien Raïs connaît donc une fin sans panache. Lui qui se comparaît aux plus grands seigneurs de la Perse millénaire. Adieu fastes et parades à la Nabuchodonosor sous les lambris de Palais féeriques! A l'opposé des gladiateurs, ici on crie:" Saddam les vivants te saluent."
LE BOURREAU
Personne ne défendra de façon absolue celui qui a passé ses beaux-fils à l’épée, gazé les Kurdes, bombardé l’Iran pendant 8 ans. On peut cependant s’interroger sur la valeur du procès d’un homme arrêté par une puissance étrangère sur le sol de son pays, jugé et condamné sous occupation. La complicité de l’Occident dans l’ascension de cet homme et de ses agissements face à l’Iran notamment, pose problème. Occulter ces épisodes semble une volonté délibérée d’éteindre plein d’accusations pendantes devant le tribunal, celui de l’Histoire, au moins.
On oublie même les raisons de l’invasion de l’Irak, un pays laïc parmi une fournée de monarchies autocratiques, mais grand enjeu mondial car il est un vaste champ de pétrole qui constitue la deuxième réserve mondiale de l’or noir. Saddam Hussein armé par l’Occident devenu moins marionnette que le voulaient ses mentors est devenu un casse-tête pour l'ensemble de la sous-région. Sous-estimant la riposte et ignorant les réalités du terrain, la Coalition anglo-américaine a envahi le pays aux mosquées millénaires.

LE HEROS ET LE MARTYR
La rue arabo-musulmane a salué ce « héros » martyr de
de l’Occident judéo-chrétien. La télévision a grandi et magnifié le geste : des gestes simples, dignes d’une mise en scène millimétrée dans le plus pur style hollywoodien. Les Chiites et les Kurdes jubilent à contre-cœur. L’Iran ne se sent pas consolé. Ce n’était pas la vengeance qu’ils espéraient. Les Palestiniens pleurent un avocat dans la mare tranquille des pays arabes mi-complices, mi-muets. Le parti Baas et les Sunnites ne cherchaient pas un meilleur moyen de remobilisation. Saddam Hussein est mort le Coran à la main. C’est un symbole très fort. L’ancien maître de Bagdad, champion en propagande a joué sa partition jusqu’à son dernier souffle. Ultime message ou testament à sa
poignée d’admirateurs ? D’outre-tombe, il défie ses adversaires, notamment l’homme le plus puissant du monde qui aura à gérer un après-Saddam problématique.
LENDEMAINS INCERTAINS
Un constat s’impose : les Américains tous spécialistes confondus ont montré leur méconnaissance des ressorts de la société arabo-musulmane. Ou du moins leur chef a minimisé les conséquences d’un tel acte en cette période. Les descendants de Babylone ont la mémoire de l’honneur et de la vengeance. Tous les déshérités, les exploités, les exilés trouveront, à tort ou à raison, en Saddam un martyr. La réparation de « l’injustice »faite à un des leurs armera leur foi et aiguisera leur glaive. Toute la sous-région risque de pâtir de cette bévue au sommet. Ce n’était certainement pas le but de cette opération américaine.

George W. bush a armé la corde, reste la dette morale à payer pour un sacrifice qui ne satisfait personne. On pense déjà à une nouvelle version moyen-orientale de "Apocalypse, now ?" et, ici comme ailleurs, malheur aux vaincus !

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