Nouvel intérêt suscité par le chameau, après les récentes sécheresses
Le chameau est un animal méconnu: on a pris la fâcheuse habitude en Afrique francophone de le nommer chameau alors qu'il s'agit de dromadaire à une bosse, Camelus dromedarius de son nom scientifique. Cet usage est si profondément ancré qu'on ne peut que le perpétuer en signalant l'erreur à chaque fois. Le chameau, ensuite, a longtemps été considéré comme un animal désuet, des zones marginales, lié à une exploitation extensive des milieux arides, et à un mode de traversée du désert rendu inutile par l'existence des véhicules modernes. Le chameau a permis l'épanouissement de grandes civilisations pastorales, celle des Touaregs, des- Maures ou des Bédouins. C'est un animal complet, pouvant rendre des services variés: monture rapide pour les voyageurs et autrefois les guerriers, animal de bât pour le commerce caravanier, ou animal laitier fournissant à ses propriétaires une part importante de leur alimentation. Le chameau est un animal de prestige chez les Touaregs et son élevage est l'objet de soins particuliers. On surveille attentivement les croisements en vue d'obtenir des sujets esthétiquement appréciés et de favoriser, selon les besoins, les capacités de portage, de rapidité ou de production laitière.
Des techniques sont utilisées pour inciter les chamelles ayant perdu leur petit à ne pas retenir leur lait; d'autres méthodes sont mises en œuvre pour éviter les tétées au cours des déplacements et conserver le lait aux hommes pour l'étape du soir ou encore pour sevrer les chamelons.
L'intérêt des pasteurs pour le chameau se manifeste par l'importance du vocabulaire et la précision des termes qui lui sont consacrés. Il a fallu à V. Monteil un petit livre de 132 pages pour publier le vocabulaire maure relatif au chameau, et le Père de Foucauld dans son dictionnaire touareg relève 54 termes désignant l'animal selon son sexe son état (castré ou non), son âge, son pelage, etc., parmi lesquels ne sont pas compris les termes anatomiques.
Le chameau joue un grand rôle dans la vie sociale. Chez les nobles Touaregs la prestation qui légitime le mariage (souvent appelée abusivement en français) et qui est destinée au père de la mariée doit être composée exclusivement de chameaux; donner l'équivalent en bovins ou, pire, en petits ruminants ne peut être le fait que de gens de basse extraction. C'est un animal apprécié autant pour sa beauté que pour les services qu'il rend: la chamelle sert so
uvent de référence pour décrire une femme aimée:
Le chameau est un animal méconnu: on a pris la fâcheuse habitude en Afrique francophone de le nommer chameau alors qu'il s'agit de dromadaire à une bosse, Camelus dromedarius de son nom scientifique. Cet usage est si profondément ancré qu'on ne peut que le perpétuer en signalant l'erreur à chaque fois. Le chameau, ensuite, a longtemps été considéré comme un animal désuet, des zones marginales, lié à une exploitation extensive des milieux arides, et à un mode de traversée du désert rendu inutile par l'existence des véhicules modernes. Le chameau a permis l'épanouissement de grandes civilisations pastorales, celle des Touaregs, des- Maures ou des Bédouins. C'est un animal complet, pouvant rendre des services variés: monture rapide pour les voyageurs et autrefois les guerriers, animal de bât pour le commerce caravanier, ou animal laitier fournissant à ses propriétaires une part importante de leur alimentation. Le chameau est un animal de prestige chez les Touaregs et son élevage est l'objet de soins particuliers. On surveille attentivement les croisements en vue d'obtenir des sujets esthétiquement appréciés et de favoriser, selon les besoins, les capacités de portage, de rapidité ou de production laitière.
Des techniques sont utilisées pour inciter les chamelles ayant perdu leur petit à ne pas retenir leur lait; d'autres méthodes sont mises en œuvre pour éviter les tétées au cours des déplacements et conserver le lait aux hommes pour l'étape du soir ou encore pour sevrer les chamelons.
L'intérêt des pasteurs pour le chameau se manifeste par l'importance du vocabulaire et la précision des termes qui lui sont consacrés. Il a fallu à V. Monteil un petit livre de 132 pages pour publier le vocabulaire maure relatif au chameau, et le Père de Foucauld dans son dictionnaire touareg relève 54 termes désignant l'animal selon son sexe son état (castré ou non), son âge, son pelage, etc., parmi lesquels ne sont pas compris les termes anatomiques.
Le chameau joue un grand rôle dans la vie sociale. Chez les nobles Touaregs la prestation qui légitime le mariage (souvent appelée abusivement en français) et qui est destinée au père de la mariée doit être composée exclusivement de chameaux; donner l'équivalent en bovins ou, pire, en petits ruminants ne peut être le fait que de gens de basse extraction. C'est un animal apprécié autant pour sa beauté que pour les services qu'il rend: la chamelle sert so

« Kouka est le mirage de nos vallons,
celle est plus belle que les chamelonnes blanches
dont chacune tète le lait de deux chamelles… »
dit un poète de l'Ahaggar, donnant en exemple des chamelonnes remarquables par leur couleur comme par leur suralimentation qui dénote une richesse certaine de leur 'propriétaire, car rares sont les éleveurs qui peuvent ainsi abandonner la traite de plusieurs chamelles. Parmi les différents laits dont disposent les Touaregs celui de chamelle, mousseux, légèrement salé, passe pour le plus délectable: il donne de la force aux vieillards et aux malades, il favorise la croissance des enfants, il possède un goût toujours apprécié, bien que variable selon les pâturages fréquentés par les animaux. Le chameau de selle ou de bât est connu pour sa résistance: il permet aux caravanes qui vont chercher le sel de Taoudeni (Mali) ou de Bilma (Niger) de traverser des déserts absolus. Il permettait autrefois des razzias lointaines, comme celles qui conduisaient les Regueibat de la frontière algéro-marocaine aux rives du Niger, ou les Touaregs Kel Ahaggar jusque dans le sud marocain..
Si les razzias ont cessé depuis de longues années, les caravanes du sel se sont maintenues jusqu’à nos jours. Leurs effectifs n’ont cessé de croître jusqu’il y a environ 25 à 30 ans: en 1953’28 518 chameaux participaient à la caravane de Bilma (Niger); en 1958, 40000 à celle de Taoudeni (Mali). Si les caravanes ne sont plus si importantes aujourd’hui, elles n’ont pas cessé, et les commerçants trouvent encore un profit à ces échanges, pour autant qu’ils ne comptabilisent pas le temps dans le calcul de leurs revenus: le sel saharien est toujours apprécié dans les marchés du sud.
Contrairement à une idée souvent admise, l’endurance du chameau à la soif n’est pas due à la constitution de réserves avant l’effort. Ses capacités exceptionnelles ont suscité la curiosité de nombreux chercheurs. Des études ont montré que le chameau pouvait supporter de très importantes pertes en eau, allant jusqu’à 27% du poids de son corps, sans modification de la composition de son plasma sanguin: de telles conditions provoqueraient une déshydratation mortelle chez les autres animaux. Après un effort prolongé, le chameau peut absorber d’énormes quantités d’eau, 180 litres ingérés en deux fois après un long voyage et plus généralement 30% de son poids: l’animal répare donc ses pertes. Capable d’exploits extraordinaires, le chameau doit cependant être ménagé, en lui évitant les excès de charge. Après l’effort, il devra rester de longs mois au pâturage.
Au cours des sécheresses récentes (1969- 73 en particulier), la mortalité du troupeau ovin et bovin fut très supérieure à celle des camelins, qui ont mieux résisté et montré leur meilleur adaptation aux zones arides affrontées au retour périodique de périodes sèches. Utilisant avec un égal bonheur les pâturages arborés et herbacés, il est apparu que le chameau en milieu saharien comme en milieu sahélo-soudanais portait un préjudice plus léger au couvert végétal que les autres espèces animales. Tout en rendant des services éminents, son lait fournit une part importante de l’alimentation des nomades. Sa capacité de charge est utilisée non seulement par les caravanes sahariennes, mais aussi pour les transports à courtes distances autour des villes et des marchés méridionaux. Dès lors de nombreuses études et des bibliographies très complètes ont été publiées, des recherches menées sur la production laitière, sur l’écoIogie, sur le comportement et l’élevage.
celle est plus belle que les chamelonnes blanches
dont chacune tète le lait de deux chamelles… »
dit un poète de l'Ahaggar, donnant en exemple des chamelonnes remarquables par leur couleur comme par leur suralimentation qui dénote une richesse certaine de leur 'propriétaire, car rares sont les éleveurs qui peuvent ainsi abandonner la traite de plusieurs chamelles. Parmi les différents laits dont disposent les Touaregs celui de chamelle, mousseux, légèrement salé, passe pour le plus délectable: il donne de la force aux vieillards et aux malades, il favorise la croissance des enfants, il possède un goût toujours apprécié, bien que variable selon les pâturages fréquentés par les animaux. Le chameau de selle ou de bât est connu pour sa résistance: il permet aux caravanes qui vont chercher le sel de Taoudeni (Mali) ou de Bilma (Niger) de traverser des déserts absolus. Il permettait autrefois des razzias lointaines, comme celles qui conduisaient les Regueibat de la frontière algéro-marocaine aux rives du Niger, ou les Touaregs Kel Ahaggar jusque dans le sud marocain..
Si les razzias ont cessé depuis de longues années, les caravanes du sel se sont maintenues jusqu’à nos jours. Leurs effectifs n’ont cessé de croître jusqu’il y a environ 25 à 30 ans: en 1953’28 518 chameaux participaient à la caravane de Bilma (Niger); en 1958, 40000 à celle de Taoudeni (Mali). Si les caravanes ne sont plus si importantes aujourd’hui, elles n’ont pas cessé, et les commerçants trouvent encore un profit à ces échanges, pour autant qu’ils ne comptabilisent pas le temps dans le calcul de leurs revenus: le sel saharien est toujours apprécié dans les marchés du sud.
Contrairement à une idée souvent admise, l’endurance du chameau à la soif n’est pas due à la constitution de réserves avant l’effort. Ses capacités exceptionnelles ont suscité la curiosité de nombreux chercheurs. Des études ont montré que le chameau pouvait supporter de très importantes pertes en eau, allant jusqu’à 27% du poids de son corps, sans modification de la composition de son plasma sanguin: de telles conditions provoqueraient une déshydratation mortelle chez les autres animaux. Après un effort prolongé, le chameau peut absorber d’énormes quantités d’eau, 180 litres ingérés en deux fois après un long voyage et plus généralement 30% de son poids: l’animal répare donc ses pertes. Capable d’exploits extraordinaires, le chameau doit cependant être ménagé, en lui évitant les excès de charge. Après l’effort, il devra rester de longs mois au pâturage.
Au cours des sécheresses récentes (1969- 73 en particulier), la mortalité du troupeau ovin et bovin fut très supérieure à celle des camelins, qui ont mieux résisté et montré leur meilleur adaptation aux zones arides affrontées au retour périodique de périodes sèches. Utilisant avec un égal bonheur les pâturages arborés et herbacés, il est apparu que le chameau en milieu saharien comme en milieu sahélo-soudanais portait un préjudice plus léger au couvert végétal que les autres espèces animales. Tout en rendant des services éminents, son lait fournit une part importante de l’alimentation des nomades. Sa capacité de charge est utilisée non seulement par les caravanes sahariennes, mais aussi pour les transports à courtes distances autour des villes et des marchés méridionaux. Dès lors de nombreuses études et des bibliographies très complètes ont été publiées, des recherches menées sur la production laitière, sur l’écoIogie, sur le comportement et l’élevage.
Le chameau lié au souvenir des caravanes ou des méharistes suscite un nouvel intérêt auprès des organismes internationaux, comme des planificateurs. Il connaît aujourd’hui une véritable réhabilitation. E. Bernus
Bibliographie sommaire
Foucauld, Père Ch. de: Dictionnaire touareg français, Paris 1951/52.
Gaulthier-Pikers, H., and Dagg, A.I.: The Camel, The University of Chicago Press, 1981.
Richard, D.: Bibliographie sur le dromadaire et le chameau, I.E.M.V.T., Maisons-Alfort 1980.
Schmidt-Nielsen, K.: Desert Animals, Clarendon Press, Oxford 1964.
Wilson, R.T., and Wilson, M.P.: Research on the Camel, Camelus dromedarius, ILCA, BamakoMali 1982.
Wilson, R.T.: The Camel, Longman Group, 1984.
Yagil, R.: Camels and CamelMilk, Animal Production and Health, paper No 26, FAO, Rome 1982.
Foucauld, Père Ch. de: Dictionnaire touareg français, Paris 1951/52.
Gaulthier-Pikers, H., and Dagg, A.I.: The Camel, The University of Chicago Press, 1981.
Richard, D.: Bibliographie sur le dromadaire et le chameau, I.E.M.V.T., Maisons-Alfort 1980.
Schmidt-Nielsen, K.: Desert Animals, Clarendon Press, Oxford 1964.
Wilson, R.T., and Wilson, M.P.: Research on the Camel, Camelus dromedarius, ILCA, BamakoMali 1982.
Wilson, R.T.: The Camel, Longman Group, 1984.
Yagil, R.: Camels and CamelMilk, Animal Production and Health, paper No 26, FAO, Rome 1982.
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