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BIENVENUE AU SAHARA, AIRE DE LIBERTE

"Le désert est beau, ne ment pas, il est propre." Théodore MONOD.



9 juil. 2007

LE SAHEL
Vaste aire semi‑aride qui s'étire de l'Atlantique à la mer Rouge, la bordure méridionale du Sahara est caractérisée par l'irrégularité des pluies et la fragilité des sociétés agricoles. Les sécheresses répétées, la dégradation des sols et du couvert végétal, liée à l'explosion démographique, concourent à la désertification. Éleveurs et cultivateurs migrent en nombre croissant vers les régions plus humides et les villes. Le PIB de l'ensemble du Sahel politique est 1,5 fois inférieur à celui du Bangladesh, alors que l'aide publique au développement est 6 fois supérieure à la moyenne des pays pauvres.
Les limites du Sahel Les terres sahéliennes, «rivage aride d'une mer abandonnée» selon l'heureuse expression du géographe Jean Gallais, ne sont guère faciles à circonscrire. Il reste que c'est de l'incertitude climatique que procèdent, en partie, la fragilité des écosystèmes et la précarité des conditions de vie.
Les différents critères Pour Théodore Monod et les naturalistes, le Sahel est un domaine écologique tropical que caractérisent une longue saison sèche (7 à 10 mois), la concentration estivale de pluies peu abondantes et surtout très irrégulières, l'importance des formations végétales steppiques à plantes herbacées annuelles, le triomphe des acacias et des épineux. Commençant au sud du Sahara avec l'apparition du cramcram (Cenchrus biflorus), graminée vivace, le Sahel prendrait fin aux lisières des forêts claires et des savanes arborées soudaniennes. Ses limites demeurent toutefois floues et mouvantes. Les isohyètes moyennes annuelles oscillent entre 100-150 mm au nord, contre 500-700 mm au sud; leurs positions en latitude varient d'une année à l'autre, parfois considérablement. Des massifs montagneux (Aïr) font office de bastions pluviométriques avancés en zone aride; à l'inverse, des formes typiques du désert, dunes vives et glacis caillouteux, parsèment des étendues dites sahéliennes. La limite des cultures sous pluie, souvent évoquée comme «frontière» septentrionale (400 à 200 mm annuels), n'est pas franche. Pour certains auteurs, les marges méridionales sont étendues jusqu'aux isohyètes 750, voire 1 000 mm, bien au‑delà de Bamako et de Ouagadougou.
L'incertitude climatique Depuis leur expansion sur les marges méridionales du Sahara, les crises de subsistance ont toujours affecté les sociétés d'agriculteurs et de pasteurs. Les groupes humains doivent faire face à la variabilité interannuelle des précipitations, qui peuvent fluctuer du simple au triple, sans compter les décalages de la date correspondant au début des pluies et l'inégale distribution de ces dernières pendant l'hivernage (saison des pluies), qui diminue du sud au nord: 5 mois à Bamako (juin–octobre), 2 mois à Tombouctou (juillet–août). Depuis les mauvais hivernages enregistrés entre 1968 et 1975, les débats lancés au début du XXe siècle à propos de la «sécheresse» au Sahel (dessèchement inéluctable lié à une avancée du désert) ont été ravivés. L'observation du réseau des pluviomètres installés à partir de 1920 montre que c'est moins le total des pluies que leur répartition qui joue sur l'état des formations végétales ou l'ampleur des récoltes. Selon la nature des sols et la fréquence des précipitations, on peut définir des pluies «utiles»: 10 mm par semaine sur un sol gravillonnaire, 3 mm sur un sol sableux (la sécheresse survient lorsque ces valeurs et ces données ne sont pas atteintes).
En termes de répartition, le caractère zonal des sécheresses n'apparaît pas clairement. Le domaine sahélien ne fonctionne pas comme une entité climatique unique: on peut enregistrer, la même année, des pluies conformes aux moyennes au Niger, alors que les déficits se creusent au Mali et au Sénégal. L'opinion des spécialistes est partagée: pour les uns, les sécheresses récentes sont une manifestation périodique des péjorations climatiques qui ont caractérisé le Sahel depuis le Néolithique; pour d'autres, elles témoignent d'un réel processus d'aridification. Quoi qu'il en soit, les dernières sécheresses ont eu des conséquences d'autant plus marquantes qu'elles ont affecté un milieu fragilisé par l'explosion démographique, par l'extension des surfaces cultivées, par le surpâturage et les coupes de bois à destination des marchés urbains pour les besoins ménagers.
Le Sahel politique La définition politique du Sahel n'est guère plus satisfaisante: neuf pays sont réunis, depuis 1971, au sein du Comité inter‑États de lutte contre la sécheresse du Sahel (CILSS). Les plus typiquement sahéliens sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad. Le Soudan n'en est pas membre, contrairement à la Guinée‑Bissau, à la Gambie et aux îles du Cap‑Vert, dont les climats, à latitude comparable, sont pourtant plus humides. Ces neuf pays couvrent une superficie de près de 5,3 millions de kilomètres carrés et regroupent 45 millions d'habitants.
La dégradation du milieu Très dépendantes de la production végétale primaire, les sociétés sahéliennes ont toujours cherché à préserver un équilibre entre prélèvement et renouvellement des ressources, notamment par le gel saisonnier d'amples portions de terroirs et de pâturages. Les réponses appropriées étaient multiples: rotation des cultures céréalières à cycle court (mil, sorgho), associée à des systèmes élaborés de jachère (durée liée à l'inégale pression démographique); mobilité des hommes et des troupeaux en fonction de la répartition de l'eau et de l'herbe selon les saisons; utilisation des complémentarités entre bas plateaux secs et plaines inondables du delta intérieur du Niger ou du fleuve Sénégal; cultures par submersion et cultures de décrue, du haut Niger au Logone et au Chari; échanges de biens et de prestations entre peuples d'éleveurs (Peuls, Touareg) et paysanneries sédentaires.
La pression des hommes Le doublement de la population en moins de cinquante ans, la progression des échanges marchands liée à la diffusion des principales cultures de traite (arachide, coton), l'accroissement des besoins en viande lié à l'urbanisation ont transformé les anciens systèmes agraires et pastoraux. Alors que reculaient les jachères et les mises en défens, l'extension spectaculaire des superficies cultivées ou utilisées par les troupeaux a bouleversé les pratiques conservatoires. À la faveur des décennies plus humides, l'occupation agricole a progressé en latitude, le domaine cultivé a empiété sur les aires de parcours des éleveurs. Ces derniers vivent dans des situations d'extrême vulnérabilité, d'autant que les contrôles aux frontières sont une entrave à leurs déplacements.
Le problème écologique C'est dans ce contexte que les fragiles équilibres ont été rompus. Là où les densités de population étaient déjà fortes – pays serer (Sénégal) ou pays mossi (Burkina Faso) –, la saturation des terroirs et leur dégradation sont manifestes: disparition des jachères, épuisement des sols, recul du couvert arboré, en particulier des Acacia albida, arbres qui autrefois permettaient, grâce à leur cycle végétatif inversé, de maintenir la fertilité des sols et de nourrir les bovins en saison sèche. Sur les fronts pionniers, moins peuplés, la couverture végétale des sols sablonneux a été mise à mal par les défrichements expéditifs et le surpâturage. Combinée aux irrégularités pluviométriques, cette détérioration anthropique a aggravé les effets des sécheresses et favorisé la «désertification», terme préférable à celui de «désertisation» caractérisant une avancée naturelle du Sahara vers le sud.
Les aides au développement Pour freiner l'incontestable détérioration de l'environnement et faire face aux disettes de la soudure (de juillet à septembre), parfois aux pénuries de vivres, les opérations de développement se sont multipliées depuis les indépendances. En favorisant le reboisement, les unes tentent de préserver le rôle protecteur du manteau végétal contre l'érosion éolienne et pluviale, privilégiant ainsi la production rapide de bois et la diffusion d'essences qui ne sont d'aucune utilité pour le bétail et les sols (eucalyptus). D'autres visent à intensifier des systèmes paysans (culture attelée, usage d'engrais) et la promotion des cultures de contre‑saison (oignons du pays dogon, au Mali, ou de la région de Tahoua, au Niger). D'autres encore sont fondées sur l'irrigation: grands aménagements hydroagricoles (barrages de Diama et de Manantali, sur le Sénégal), petites installations hydrauliques villageoises (vallées des Volta et du Niger). Encadrées par des ONG (organisations non gouvernementales), ces dernières ont permis une relative diversification des productions (canne à sucre, riz, cultures maraîchères). La rentabilité économique des grands aménagements est, en revanche, loin d'être assurée. Confrontés à la complexité des circuits de collecte et pénalisés, comme les producteurs de céréales, par la concurrence des importations en provenance des pays industrialisés, les éleveurs ne sont guère favorisés. Sans une protection efficace de leurs débouchés urbains en Afrique de l'Ouest, pasteurs et paysans sahéliens sont de plus en plus marginalisés.
Les déplacements de population Pour survivre, éleveurs comme agriculteurs accentuent leur mobilité hors de leurs habituels territoires. Quittant les aires sèches, ils se dirigent vers les marges soudaniennes, mieux arrosées (sud du Mali, sud‑ouest du Burkina Faso, nord de la Côte‑dIvoire et du Nigeria), gagnant les régions forestières et les villes des États littoraux. Les migrations ne sont pas une nouveauté: les anciens échanges précoloniaux de sel et de cola étaient assurés par des caravaniers spécialisés (Touareg, Dioulas) parcourant l'interface entre le Sahara et les forêts méridionales. L'économie de traite imposée au début du XXe siècle mobilisait une main‑dœuvre saisonnière puisée dans les réservoirs démographiques sahéliens. Il reste que l'ampleur des mouvements enregistrés depuis les années 1970 est exceptionnelle. Le sud du Mali, les vallées du Sénégal et des Volta, le delta intérieur du Niger ou le lac Tchad attirent encore des migrants saisonniers, même si ces flux sont sans commune mesure avec les déplacements à destination des pays du golfe de Guinée. La capacité à vivre «à distance» est devenue une singularité sahélienne: il y aurait plus de 2 millions de Burkinabés en Côte‑dIvoire, tandis que plus de 15 million de Maliens vivraient hors de chez eux. Les Peuls du Mali et du Burkina font route vers les pays sénoufo et malinké; les Soninkés, originaires de la vallée du fleuve Sénégal, constituent les deux tiers des Noirs africains salariés en France; leurs réseaux sont très actifs au Gabon, en République démocratique du Congo, au Botswana, en Afrique du Sud et aux États‑Unis. Les Sahéliens, y compris les éleveurs, sont de plus en plus nombreux à gagner les villes côtières.
La croissance urbaine L'une des conséquences les plus spectaculaires des mouvements de populations est la croissance rapide des villes du Sahel, vers lesquelles converge, il est vrai, l'aide alimentaire internationale. En 1920, la zone sahélienne comptait moins de 1 % de citadins; en l'an 2000, il y en aura probablement plus de 40 %. Le fait urbain n'est certes pas récent: souvent fouillées par les archéologues, des cités médiévales, marchandes ou politiques (Tombouctou, Gao, Djenné, Koumbi‑Saleh, Aoudaghost), ont été décrites par les historiens arabes. De leur côté, les colonisateurs avaient posé une trame d'encadrement administratif le long des chemins de fer et des nouvelles routes. Jamais cependant la concentration de population urbaine n'a été aussi marquée: en 1990, le taux d'urbanisation atteignait même 47 % en Mauritanie et 40 % au Sénégal. Devenues de grandes agglomérations, les capitales sont difficiles à gérer: la région urbaine dakaroise compte plus de 1 500 000 h.; Nouakchott, Bamako, Ouagadougou, Niamey et NDjamena ont plus de 500 000, voire 700 000 h. Les tissus bâtis s'étalent démesurément alors que les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de maîtriser l'accès au sol et de produire les équipements nécessaires.
Cette urbanisation accélérée, à laquelle participent aussi les petites villes, n'a pas de contrepartie productive: les appareils industriels demeurent peu importants, alors que les rares usines sont menacées par les ajustements structurels. Les activités dites «informelles», qui ont longtemps permis l'insertion des migrants, ne peuvent résoudre le problème essentiel de l'accumulation.
Les perspectives Dépendants de l'aide financière internationale, pénalisés par les distances à la côte et l'enclavement, soumis aux rudes aléas climatiques, les hommes du Sahel peuvent-ils sortir du mal‑développement? À l'aube du XXIe siècle, les États du CILSS approchent les 60 millions d'habitants. On peut raisonnablement s'accorder pour dire qu'ils pourraient échapper aux conséquences directes des sécheresses prévisibles si l'espace sahélien venait à être doté d'un réseau de communications efficace, permettant de faire jouer les complémentarités et d'assurer les solidarités interrégionales. En dépit d'une forte croissance démographique, certains pays, comme le Mali ou le Burkina Faso, sont parvenus à maintenir la production alimentaire par tête au cours des années 1980.

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