L'appel du désert
Immense, hostile, dangereux, le désert fascine. Parce qu'il est à l'origine des civilisations, parce qu'il est le berceau des religions monothéistes, parce qu'il est nu et aride. Et parce que, là, l'homme occidental peut satisfaire, loin du tourisme de masse, son désir de solitude. Enquête sur cette soif du désert...Qu'y a-t-il sur terre de plus inhospitalier qu'un désert ? Tout n'y est que vide, sécheresse et désolation. Sur ce néant de pierre, au mieux mer de sable par endroits, règne en tyran le soleil, boussole ardente qui fait perdre le nord, troublant la vue et asséchant les bouches. Brûlante le jour mais glacée la nuit, l'étendue stérile ne semble conçue que pour en chasser l'homme. Le défi de la survie, pourtant, n'a jamais cessé de susciter l'aventure au prix du péril. Chasseurs d'absolu ou pilleurs de caravanes, légionnaires au képi blanc ou hommes bleus, beaucoup ont fini pétrifiés dans les schistes ou happés par une dune, pareils à ces squelettes d'animaux blanchis par la chaleur. Sahara, Ténéré, Hoggar, Tanezrouft, Rub' al-Khali, Kalahari, Hedjaz, Thar, Gobi... la liste de ces hauts lieux de solitude charrie un sirocco d'imaginaire et de sensations torrides (voir carte page 68). A la simple évocation du désert, les langues se collent au palais et les récits des expéditions jaillissent des mémoires, façonnées par l'héritage colonial et les grandes destinées. Voici, en version anglo-américaine, surgir l'aventure magnifique de Lawrence d'Arabie élevée au stade mystique par un Peter O'Toole inoubliable, bédouin nordique ivre de sable. Voici encore, en version tricolore, les descendants des régiments d'Afrique, gardiens et bâtisseurs d'un empire magnifique, les chasseurs, les spahis, les goumiers ou les moines-soldats à la Charles de Foucauld... Les compagnies méharistes de Fort Saganne se détachent à l'horizon, seules taches de couleur - burnous, chèche et couvre-nuque - venues maculer l'ocre parfait du grandiose théâtre de l'aridité. Le désert est autant un enfer qu'une épopée.C'est dans ce décor de légende que l'homme moderne vient aujourd'hui chercher le mystère qu'y défend l'hostilité de la nature. Fuyant les jungles urbaines où voisinent l'ennui de l'abondance et le souci de la misère, de plus en plus de « chercheurs d'ailleurs » tentent leur propre traversée du désert comme une épreuve initiatique. Attirés par l'immensité du cadre autant que par la prouesse individuelle, ils marchent sur les traces des glorieux découvreurs du siècle dernier et s'offrent une tranche de vie hors du commun. Certes, ils ne sont encore que quelques milliers à oser réellement affronter la soif, la desquamation, les tendinites et les risques de mauvaises rencontres. Mais leur aspiration, venue s'ajouter à une abondante littérature, à une fascinante filmographie, nourrit désormais une grande mode (voir page 70). C'est au désert que l'Homo sapiens fatigué de l'hémisphère Nord veut se ressourcer. C'est dans la pérégrination originelle, aux côtés des frères nomades d'ancestrale résistance, qu'il entend accomplir son chemin intérieur. C'est confronté à la maigreur de la pitance, à la rareté de l'eau qu'il pense faire le vide dans sa tête.Avant toute dimension spirituelle, voire mystique, il faut sans doute y voir une réaction au tourisme de masse qui ne laisse plus un seul lieu vierge de par le vaste globe. Les îles perdues du Pacifique se couvrent de pistes d'atterrissage et les chemins de trekking de l'Himalaya sont parsemés d'immondices. Quant aux cultures primitives qui fascinaient les anthropologues, elles ne sont plus épargnées. Les Indiens d'Amazonie envoient ainsi leurs chefs de tribu se produire en « prime time » sur TF1. Et que dire des civilisations mystérieuses de Pétra (Jordanie) ou de l'île de Pâques, qui n'ont plus aucun secret pour les tour-opérateurs ?Contrairement à ce qui prévalait encore durant les années 80, l'éloignement n'est plus tant le critère discriminant du tourisme. L'époque est révolue où les petits budgets se cantonnaient aux villages de vacances de Grèce ou de Tunisie, tandis que le voyageur à gros moyens comptait sur le filtrage de l'argent pour « avoir la paix » à Bali ou aux Seychelles. La démocratisation des tarifs aériens réduit la part du transport dans le coût des villégiatures. De plus en plus de passagers vont donc de plus en plus loin. Désormais, ce sont surtout la qualité des prestations offertes, les conditions d'hébergement, le niveau de l'encadrement et des divertissements qui marquent l'écart de prix. Les professionnels du voyage ont trouvé jusqu'au bout du monde des solutions pour toutes les bourses et parcourent la planète, à l'affût de la bonne adresse qui remplira aussi bien le charter que l'hôtel de charme. Dès lors, peu de destinations résistent à la déferlante.Cette vaste transhumance laisse toutefois sur le bas-côté toute une clientèle d'intellectuels nantis ou non, de puristes férus de tranquillité ou d'émotions et de gens simples soucieux d'authenticité ou de rencontres, qui ont en commun de rechercher une évasion d'exception. C'est à eux que le désert s'adresse. Dévoreurs de littérature de voyage ou, à l'inverse, sportifs uniquement attirés par la performance, familles entières, groupes d'amis, amoureux d'histoire et de géographie, tiers-mondistes impénitents, nostalgiques, mystiques : la soif d'espace et d'intégrité gagne des coeurs différents. Mais tous marchent sur les pas des grands témoins qui ont ouvert la voie.Il y a un siècle déjà, Isabelle Eberhardt avait su résumer cet appel mieux que personne. « Etre seul, écrivait-elle, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et pourtant chez soi partout, marcher solitaire et grand à la conquête du monde... » Vision lumineuse, étonnante d'actualité, que celle de cette aventurière déguisée en homme et se faisant appeler Mahmoud pour vivre pleinement « à l'ombre chaude de l'islam ». Morte noyée dans le désert à la suite de la crue subite d'un oued - ironie d'un destin rare ! - elle a laissé d'admirables cahiers de nouvelles, notes et récits où sa « montée » au désert est exaltée en des termes qui ne peuvent que ravir le randonneur d'aujourd'hui. « Moi à qui le paisible bonheur dans une ville d'Europe ou du Tell ne suffira jamais, confesse-t-elle, j'ai conçu le projet hardi de m'établir au désert et d'y chercher à la fois la paix et les aventures. » Comment mieux résumer l'appel du Sahara ?...La leçon de silence et de modestieEtouffée par l'amnésie collective pendant des décennies, l'oeuvre d'Isabelle Eberhardt a subitement été exhumée il y a quelques années, et ne cesse depuis d'être rééditée sous toutes les formes. Son succès ne se dément pas et produit à son tour un fort attrait pour tout le genre littéraire « désertique ». En témoigne l'estime renouvelée du public pour Wilfred Thesiger, auteur d'un livre-culte, « Le désert des déserts », dans la mythique collection « Terre humaine » de Jean Malaurie (Pocket). Au fil de ces pages embrasées de soleil, la fièvre des immensités, magnifiquement décrite, s'empare de quiconque est sensible à l'ivresse de la solitude et au voyage intérieur.L'impression est identique à la lecture d'Ella Maillart, autre auteur de best-sellers décennaux, voyageuse la plus étonnante de ce siècle, partie dès les années 30 découvrir les roches désolées de l'Afghanistan et l'infinité froide du Gobi. Dans « La voie cruelle » (Payot), elle explique ainsi « comment on peut vivre en accord avec son coeur » dans un certain décor seulement. A travers ses descriptions, la richesse géographique du désert saute aux yeux. Plaine, steppe, montagne, voire marécage aux abords immédiats des oasis, la diversité de ces contrées change l'image du désert.Pour attiser encore cette soif, le désert s'est forgé un héros vivant, ou plutôt un antihéros, en la personne incontestée de Théodore Monod. Descendant d'une longue lignée de huguenots, le vieil homme sec aux airs d'Henry de Monfreid est devenu en quelques années une véritable conscience de l'époque (voir page 72). Tour à tour théologien, écologiste, géophysicien, professeur d'histoire naturelle, il arbore le cuir tanné et la barbe rase de l'austère sagesse. De ses récits (rassemblés dans un « Thesaurus » édité par Actes Sud) on aurait tort d'attendre quoi que ce soit de spectaculaire. C'est tout le contraire. L'appel du désert est une voix intérieure qui susurre à l'oreille des paroles simples mais amicales. Dans « Méharées », un de ses récits les plus fameux, Théodore Monod s'étend ainsi sur plusieurs pages pour décrire, sans aucune autre forme de fioriture, la composition des repas quotidiens : « Riz, pain, thé », etc. Rien d'extraordinaire, en somme. Mais tout est là. Le désert est une école de modestie, une leçon de silence et de persévérance, une épreuve de fond.Le grand mérite de Théodore Monod est d'avoir donné à l'ascétisme un doux visage, et aux âpretés de la nature un goût d'éternité. A l'instar de ses ancêtres protestants, qui avaient baptisé « désert » les contreforts des Cévennes où ils se réfugiaient pendant les dragonnades, le vieil homme fuit au coeur du Sahel les agressions de la ville et celles d'un monde sans Dieu. « Le désert est beau parce qu'il est propre et ne ment pas » (« Terre et ciel », Actes Sud). Par ces mots, Monod a tout dit...Cette quête de vérité fondée sur un dépouillement volontaire rejoint les racines mêmes de la civilisation. « Le désert est monothéiste », considérait Renan, frappé par la similitude du judaïsme, du christianisme et de l'islam. Les trois grandes religions monothéistes sont en effet nées au désert. « Oui, je fuirais au loin pour passer la nuit au désert » (Psaume 55, 8), chante déjà le psalmiste lorsqu'il est poursuivi par ses ennemis. Dans la Bible, le désert apparaît comme le refuge suprême où la rencontre avec le Très-Haut se fait naturellement : c'est le lieu de rendez-vous privilégié de l'âme. Bien que peuplé d'une faune de démons - Asmodée, le mauvais esprit, Lilith, la femelle du méchant, et une pléiade de satyres à pieds et barbiche de bouc - le désert est le royaume de la nudité totale où Yahvé forge son peuple. Il faut à la dramaturgie divine un théâtre à la dimension du Créateur : le Sinaï est ainsi sanctifié. Surgit alors la figure éternelle de Moïse, pasteur des Hébreux pendant quarante années de nomadisme, alternance de cycles d'errance et de privations. Dans ce creuset sinaïtique, l'homme est à la merci de ses propres pulsions et le moindre péché produit un terrible écho dans le cirque des montagnes déchiquetées. Le message est clair : dans le désert, il n'y a point d'artifice ni d'échappatoire, car le secours ne peut venir que d'En Haut, c'est-à-dire, aussi, de l'intérieur.C'est encore au désert que Jean Baptiste choisit de prêcher pour annoncer l'approche du « Royaume des cieux ». Se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage, il est le précurseur antique de la mode du désert, dans la mesure où sa quête ne visait qu'à être vraie. Jésus lui-même se retire au désert pour y être à la fois « servi par les anges » et tenté par le diable. Quant à Mahomet, il ressent le vibrant appel à quitter la ville avant d'entendre en plein Nefoud la voix de Dieu qui soudain le pétrifie. C'est au coeur de la fournaise d'Arabie, sur un plateau aride devenu l'enclume d'Allah, que le marteau céleste frappe la terre de sa révélation.En dépit de son vide apparent, le désert attire aussi de nouvelles vocations... au nom des hommes et des croyances qui l'habitent. L'islam, bien sûr, est indissociable des caravanes groupées ainsi que des Touareg isolés qui parcourent les interminables étendues de sable comme ils le feraient sur une plaine fertile. Et la fascination de cette religion joue son rôle pour les randonneurs venus d'Occident, comme l'atteste le succès d'une certaine mode vestimentaire. Mais, autant qu'il est dépeuplé, le désert est un monde habité dans tous les sens du terme. Parmi les marcheurs qui se risquent à travers le Sahara, parfois au péril de leur vie (six personnes disparues en 1994, quinze autres en 1993), nombreux sont ceux qui recherchent la confrontation avec les nomades hiératiques du monde des dunes. Le soir, au bivouac, des liens se créent sans la moindre parole, uniquement au nom de la fraternité humaine qu'encourage la cruauté de l'élément naturel.Rien d'étonnant si même la psychanalyse y voit maintenant des vertus. Le « psy » canadien Guy Corneau, auteur de « N'y a-t-il pas d'amour heureux ? » (Robert Laffont), organise ainsi des séjours dans le désert afin de développer une nouvelle masculinité. Convaincu que l'homme moderne est victime de la cuirasse de virilité qu'il veut revêtir en toutes circonstances, Guy Corneau réunit des groupes de vingt à vingt-cinq volontaires qu'il emmène dans le Sud tunisien pendant une dizaine de jours. Là, dépourvus de leurs atours sociaux, les hommes apprennent à retrouver le chemin de la sincérité, du silence et du partage.Une catastrophe écologiqueSans doute le désert n'a-t-il jamais été si peuplé. Théodore Monod, qui raconte avoir vu des traces de pneu dans les recoins les plus inaccessibles, craint même que le dernier espace vierge de la planète ne soit à son tour souillé. C'est que le chameau, bien que toujours usité, laisse de plus en plus la place aux 4 x 4 et autres Land Rover. Tandis que les quelques villes du désert, Chinguetti ou Tombouctou, agonisent inexorablement, l'homme blanc se prend à rêver, comme dans « L'Atlantide », d'une véritable civilisation du néant qui cacherait des richesses humaines dont il s'est lui-même privé dans son septentrion. Il reste qu'armé du GPS, système d'orientation qui le relie ni plus ni moins qu'à un satellite, équipé du meilleur matériel de randonnée, il bouscule les données d'un univers de pénurie jusqu'ici clos et préservé. Le moindre paradoxe du désert n'est pas que ses visiteurs se réjouissent de son étendue, tandis que les autochtones ne visent qu'à l'irriguer pour le faire reculer.Le cher Sahel qui plaît tant aux Européens est en vérité une catastrophe écologique mondiale qui préoccupe tous les gouvernements africains. Cette divergence fondamentale marque les limites de la fascination et ne doit pas être perdue de vue. A l'ignorer, on aurait tôt fait de voir dans le désert l'ultime décor du « dernier sanglot de l'homme blanc ».Comment se fabrique le désert«Le Sahara est un chef-d'oeuvre de la nature », s'exclame le géographe Pierre Rognon (1). Un chef-d'oeuvre s'exprimant en de grandioses paysages que le géologue Théodore Monod caractérise par cette métaphore : « Au Sahara, la planète est véritablement à nu, et même davantage : elle n'a plus de peau, on lui voit les os... c'est-à-dire la roche en place. »En fait, comme l'a révélé le Petit Prince à Saint-Exupéry lors de leur « rencontre » dans le désert, au Sahara, « l'essentiel est invisible pour les yeux ». L'essentiel du désert n'est ni dans les dunes des grands ergs, ni dans les immensités caillouteuses des regs, ni dans les fantomatiques édifices montagneux du Hoggar et du Tibesti. L'essentiel, c'est la persistance au niveau du tropique du Cancer - sur un croissant allant des îles du Cap-Vert jusqu'à la Mongolie en passant par le Moyen-Orient - d'invisibles et fantastiques masses d'air comprimé. Des « cellules anticycloniques », comme disent les météorologues, mises en place par la circulation générale de l'atmosphère. En venant échouer, voilà trois millions d'années, sous ces latitudes, par le jeu de la dérive des continents, le nord du radeau africain s'est retrouvé coiffé par un couvercle d'air capable de créer, et d'entretenir, des conditions de sécheresse extrême.L'efficacité du bouchon anticyclonique est telle que les basses couches d'air, dilatées par l'infernale chaleur qui règne au ras du sol, ne peuvent s'échapper vers le haut. Seule issue possible : la périphérie de la zone désertique. Ainsi naissent les fameux vents brûlants et desséchants que sont l'harmattan sur la bordure sud, le sirocco et le khamsin au nord-ouest et au nord-est du désert. Ces vents, en repoussant impitoyablement les masses d'air périphériques qui se gorgent d'humidité au-dessus de l'Atlantique, de la Méditerranée et de la forêt équatoriale, protègent les frontières du Sahara. Le superdésert s'autoentretient grâce à ce mécanisme pneumatique.Depuis quelques années, on sait que les anticyclones faiseurs de déserts peuvent changer de localisation, notamment en fonction des modifications de la position de la Terre sur son orbite autour du Soleil. En faisant varier le flux d'énergie reçu par l'atmosphère, la position astronomique du globe détermine des cycles sécheresse-humidité de cent mille, quarante mille et vingt mille ans environ. Le Sahara a connu des alternances de périodes sèches et humides dont on a retrouvé les traces.Aux coups de boutoir astronomiques vient se superposer aujourd'hui un nouveau risque. En brûlant charbon, pétrole et gaz, en étendant à l'infini les cultures et les élevages, l'humanité libère à foison du gaz carbonique et du méthane. Or ces substances sont capables, exactement comme le fait une serre agricole, d'empêcher l'atmosphère de renvoyer dans l'espace une partie de l'énergie solaire dont la Terre est arrosée. Cet « effet de serre » fait croître les températures moyennes du globe et accélère l'évaporation de l'eau. Entre autres conséquences du réchauffement climatique global, le désert des déserts a actuellement tendance à gagner du terrain vers le nord et à en perdre sur sa frontière sud. Le Sahel reverdit, mais la désertification grignote le Maghreb, l'Egypte, le Moyen-Orient. Si ces régions, où la pression démographique est très forte, ne luttent pas contre l'avancée du désert, elles vont perdre une partie des terres cultivables qui leur permettent aujourd'hui de nourrir, chichement, leurs populations. Hervé Ponchelet1. « Biographie d'un désert », de Pierre Rognon (Plon).Le mystère des sables chantantsDans son bureau qui, à l'Ecole supérieure de physique et chimie de Paris, jouxte celui de Pierre-Gilles de Gennes, Jacques Duran secoue avec vigueur un flacon contenant une poudre de grains de silice. Alors, dans les mains de ce physicien, spécialiste des milieux granulaires (1), le flacon se met à « chanter ». Plus exactement, à produire une sorte de mugissement sourd.Sept cents ans après que Marco Polo a rapporté, dans « Le livre des merveilles du monde », avoir entendu chanter le sable du désert de Mongolie, les scientifiques sont en passe d'expliquer le mystère du « chant des dunes ». Dans un article de la revue Nature (6 mars 1997), Douglas Goldsack, Marcel Leach et Cindi Kilkeny, de l'université Laurentian, au Canada, proposent une explication. Pour qu'un sable chante, il faut, disent-ils, non seulement que ses grains, comme ceux de tous les sables des déserts, aient un diamètre de 100 à 500 microns, mais, en plus, que leur surface soit recouverte d'un gel de silice. C'est-à-dire de silice chimiquement liée à des molécules d'eau. C'est bien le cas des échantillons de sables doués pour le chant qu'ils ont analysés. Y compris du sable chantant de Kauai, à Hawaii, dont les grains, pourtant faits de calcaire, sont effectivement enveloppés d'un gel de silice. C'est bien le cas des grains artificiels du flacon de Jacques Duran. Preuves supplémentaires : les chercheurs de Laurentian ont réussi à « couper le sifflet » de sables chanteurs en les débarrassant de leur gel de silice. Inversement, ils ont donné la voix à des sables muets en recouvrant leurs grains d'un tel gel.Reste à expliquer le mécanisme exact qui, lorsque ces grains recouverts de gel de silice sont déplacés par le vent du désert, produit un son à 435 kHz, voisin du la. Un casse-tête pour physicien de haut vol. Hervé Ponchelet(1). « Sables, poudres et grains », de Jacques Duran (Eyrolles).Le désert françaisSelon la terminologie française établie par le dictionnaire de Trévoux (XVIIIe siècle), est désert tout espace « qui n'est point habité ni cultivé ». Selon cette définition, les « déserts français » seraient donc nombreux, notamment les forêts ! Un géographe appelé à un certain succès, Jean-François Gravier, n'a-t-il pas fait sensation en publiant, en 1947, « Paris et le désert français » pour dénoncer la centralisation du pays ? En réalité, on ne compte à proprement parler qu'un désert national, situé dans le nord de la Corse, le désert des Agriates, région parfaitement dépeuplée et aride, d'une grande beauté. Un autre plateau, celui des Causses, pourrait venir compléter le club de la désolation. Enfin, le « désert » des protestants (situé dans le Gard), qui sert de cadre à un grand culte annuel en plein bois, n'est qu'une appellation évoquant la prédication en plein air de Jean-Baptiste et la résistance aux dragons de Louis XIV. 12/07/1997 - © Le Point - N°1295
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