ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ

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BIENVENUE AU SAHARA, AIRE DE LIBERTE

"Le désert est beau, ne ment pas, il est propre." Théodore MONOD.



23 nov. 2007

Les peintres de la pluie
Entre 12 000 et 3 000 ans avant aujourd'hui, le Sahara était un éden verdoyant où les inventeurs de l'élevage ont peint et gravé leurs mythes et leur quotidien. Reportage au Tassili«Je m'appelle Debbaghi. Moi, j'aime Dider. Et je suis là ! » Martelée sur une dalle de roche, noircie par l'oxydation, cette profession de foi en tifinagh, écriture apparue quelques siècles avant Jésus-Christ et encore utilisée par les Touareg, pourrait avoir environ 2 000 ans. En tout cas ce vénérable tag est largement postérieur aux quelque 150 fabuleuses gravures rupestres, aux traits nets et soigneusement polis, qui couvrent 40 mètres carrés de la roche mollement arrondie de Dider. Un « paradis » situé dans la dépression de Tin Teghert, un maâder, vallée recueillant les improbables eaux de plusieurs oueds, situé au coeur du Tassili des Ajjer, dans l'extrême sud-est du Sahara algérien.Girafes, antilopes oryx, rhinocéros et son petit, lièvre et, surprise, boeufs aux dimensions démesurées décorés de dessins spiralés, vache aux onze pis... Une faune à laquelle se mêlent des hommes, des femmes et des chiens, qui n'a pu prospérer à Tin Teghert que sous un climat humide. Aux antipodes du désert des déserts qui régnait en maître aux temps du chamelier poète Debbaghi.Effectivement, « lorsque les hommes ont gravé la roche de Dider, le climat du Tassili des Ajjer était radicalement différent de ce qu'il est aujourd'hui » , explique la préhistorienne Malika Hachid. Vingt ans durant directrice du parc national du Tassili, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité, elle connaît parfaitement ce musée à ciel ouvert qu'elle raconte dans son livre « Le Tassili des Ajjer » (1). Un « paradis perdu », pour reprendre l'un des thèmes de la superbe exposition que le Muséum national d'histoire naturelle de Paris consacre aux « Saharas d'Algérie » à l'occasion de Djazaïr, Une année de l'Algérie en France (2).Au désert froid et sec, imposé à sa périphérie par la glaciation de Würm dans l'hémisphère Nord, qui avait tari les fleuves Sénégal, Niger et Nil, se substitue, voici 15 000 ans, une période chaude et arrosée : le « grand humide ». Les pluies reviennent par la bordure occidentale du Sahara puis gagnent vers l'est. Elles touchent les hautes terres, puis les vallées et les plaines. Tant et si bien que, il y a 10 000 ans, « la surface du Sahara actuel était jalonnée de vastes marécages ou de lacs poissonneux, alimentés par des précipitations aux valeurs bien loin des actuelles : 400 mm au lieu de 60 mm dans la région d'Arouane au Mali, 250 mm au lieu de 5 mm dans celle de Taoudenni » , ainsi qu'a pu le reconstituer la géologue française du CNRS Nicole Petit-Maire (3) à partir de milliers de dépôts lacustres et de témoins biologiques : pollen, restes osseux, pièces archéologiques...Les oueds sahariens, devenus rivières plus ou moins permanentes bordées de forêts-galeries, entretiennent alors un méga-lac Tchad, véritable mer intérieure. Les crues du Nil atteignent de tels niveaux qu'aucune occupation humaine n'est possible sur ses rives. La civilisation égyptienne devra patienter encore quelque 50 siècles avant de pouvoir s'implanter le long du fleuve pharaonique.La grande faune, croquée par les artistes de Dider, investit le nouvel éden saharien. Les hommes suivent le mouvement. Les populations très clairsemées de chasseurs-cueilleurs, refoulées au paléolithique par le grand désert froid, sont remplacées, au milieu du « grand humide », par des hommes qui inventent un mode de vie révolutionnaire : la civilisation néolithique, version pasteurs suivant leurs troupeaux de bovins domestiqués de pâturage en pâturage.A nouveau mode de vie et nouvelle technologie, nouvelle structure sociale, nouvelle croyance, nouvelle représentation du monde, nouvelle expression artistique. On ne sait pas si les hommes qui ont gravé la roche de Dider étaient encore des chasseurs ou déjà des éleveurs. Mais leurs plus anciennes oeuvres, qui remontent au moins à 8 000 ans, mettent souvent en vedette le fameux bubale (Bubalus antiquus), énorme bovidé sauvage, disparu il y a 6 000 ans. D'où le nom de « bubaline » donné à cette période de l'art pariétal du Tassili des Ajjer.Un art qui, sur 30 kilomètres le long de l'oued Djerat, non loin de la bourgade d'Illizi, dont le nom est devenu tristement familier, avec l'enlèvement dans cette région de touristes européens par un groupe armé, s'en donne à coeur joie en une profusion de scènes. Dans ces ensembles, « l'homme apparaît peu souvent, généralement représenté en dimensions réduites à proximité d'animaux dont il touche le contour. Il semble porter des masques de chasse. Un autre grand thème est à caractère sexuel. Des figures féminines et surtout masculines sont représentées avec un sexe hypertrophié. Dans de nombreuses scènes d'amour, les hommes portent aussi des masques » , explique Sid Ahmed Kerzabi, archéologue algérien spécialiste du Tassili des Ajjer.Autre style, autre technique artistique, autre peuple, autre croyance. S'il est difficile de dire d'où venaient et qui étaient les artistes graveurs de la période bubaline, en revanche, les hommes qui les avaient précédés, et qui ont réalisé les peintures pariétales dites des « têtes rondes » ( voir schéma chronologique ), étaient négroïdes, puisqu'ils se sont représentés comme tels. Installés dans la région, peut-être avant les débuts du grand humide, les peintres des Têtes rondes s'étaient consacrés à l'art « religieux ». Ils ont ainsi transformé la forêt de pierre de Sefar ( voir l'article de Marie Audran ), sur le plateau qui surplombe Djanet, en véritable « temple » , pour reprendre l'expression de Malika Hachid. Un « temple » peuplé de dieux étranges et gigantesques qu'Henri Lhote explora, grâce au Touareg Machar Jebrine ag-Mohamed (1890-1981) qui le guida. Le musée de l'Homme consacre aux relevés que l'expédition, conduite de façon encore très coloniale, fit de ces peintures une exposition intitulée « Mémoires de pierre » (4).Amoureux de leur troupeauxOn ne sait pas avec certitude si ces têtes rondes, adeptes des peintures corporelles qui, lors des cérémonies, portaient des masques ressemblant à ceux de nombreuses sociétés traditionnelles d'Afrique noire, étaient des chasseurs-cueilleurs purs. Peut-être avaient-ils déjà entrepris de domestiquer le mouflon et pratiquaient-ils une agriculture rudimentaire. En revanche, ce qui est certain, c'est que, à partir de 5 500 ans avant le présent, les « bovidiens » furent des pasteurs amoureux de leurs troupeaux. Ils se sont représentés, ainsi que leurs troupeaux, avec un luxe de détails ahurissants. Scènes de chasse, de campements, d'activités familières, mais aussi de rituels et d'amour. L'essentiel de l'oeuvre de ces peintres de la pluie est consacré à leurs chers troupeaux de bovins et d'ovins, qu'ils suivent, de pâturage en pâturage, avec femmes, enfants juchés sur le dos de boeufs qui transportent l'armature des cases avec, arrimés aux cornes, calebasses et baluchons.Leur chef-d'oeuvre est, incontestablement, la scène dite de « la vache qui pleure », gravée à Djerat, non loin de Djanet. On y voit des bovins à larges cornes en lyre, descendant la berge d'un point d'eau, une grosse larme - sans doute de sel - à l'oeil. Ces animaux n'ont pas une robe uniforme comme le buffle et le bubale sauvage, ils sont bicolores, la marque indubitable de la domestication.Dans une scène peinte, relevée à Tin-Tazarift par l'équipe Lhote, l'écrivain malien Amadou Hampaté Bâ pensa reconnaître la cérémonie du Lootoori, au cours de laquelle les pasteurs peuls procèdent au lustrage de leurs troupeaux. Les Peuls seraient-ils les descendants des pasteurs bovidiens chassés de l'éden saharien par le retour définitif de l'aridité entre 3000 et 1000 avant le présent ? Sa thèse est discutée. Mais, à en juger par les types humains représentés, il est certain que plusieurs ethnies, du mélanoderme sombre au Berbère blanc, y cohabitèrent, ou s'y succédèrent, durant les quarante siècles de la civilisation bovidienne.Vers la fin de cette période, aussi appelée pastorale, alors qu'un intermède plus humide modère la tendance lourde à l'aridification, un nouvel animal fait son apparition dans les fresques : le cheval. Cette époque caballine met en scène des chars de guerre tirés par des attelages de deux à quatre chevaux qui semblent voler. Ils sont menés par des guerriers à la silhouette caractéristique, dite bitriangulaire, et dont la tête est figurée par un simple trait vertical. Les chèvres ont remplacé les bovins. C'est alors qu'apparaissent les premières inscriptions en tifinagh, « classée parmi les langues libyques » , précise Sid Ahmed Kerzabi. Ces guerriers aux chevaux « volants » seraient-ils les fameux Garamantes cités par Hérodote, un peuple libyen lancé, au travers du Sahara, à la poursuite des Troglodytes ? A moins qu'il ne s'agisse de guerriers appartenant aux Peuples de la Mer, débarqués de Crète pour s'attaquer à l'Egypte ?Quoi qu'il en soit, lorsque les artistes de la période caballine s'expriment au Tassili des Ajjer, l'avenir des verts pâturages sahariens est scellé. Les hautes pressions anticycloniques viennent s'échouer à la latitude du tropique du Cancer. L'air, surchauffé au niveau du sol, ne parvient plus, en s'élevant, à percer ce couvercle de plomb. Les vents chauds et secs comme l'harmattan, le khamsin, le sirocco, qu'engendre cette situation, repoussent l'air gorgé d'eau des deux réservoirs inépuisables que sont l'Atlantique, à l'ouest, et les forêts tropicales et équatoriales, au sud, comme l'explique le géographe Pierre Rognon dans son livre « Biographie d'un désert » (5).Les frontières du Sahara ainsi bien défendues contre l'humidité, le superdésert va, désormais, s'autoentretenir. Tant et si bien qu'aux derniers siècles de la préhistoire les fresques du Tassili des Ajjer accueillent un ultime animal : le dromadaire, Camelus dromedarius pour les biologistes. Cette période cameline dure encore, même si celle des 4 X 4 japonais, du pétrole et du tourisme est en passe de la supplanter... Qu'importe car, depuis le néolithique, qu'on l'aborde en transhumant derrière un troupeau de bovins, juché sur un char « volant », au pas lent du dromadaire ou en 4 X 4, le désert déclenche toujours chez l'humain la même émotion animiste d'appartenance à l'Univers. Gageons que c'est ce « sentiment océanique » , comme l'appelait Sigmund Freud, qui a guidé la main des artistes du Tassili des Ajjer et inspiré la déclaration d'amour de Debbaghi à Dider.
1.Editions Edif 2000 Paris-Méditerranée.
2. Muséum, galerie de Botanique, 10, rue Buffon, Paris 5e, jusqu'au 12 octobre 2003.
3. « Sahara, sous le sable... des lacs », CNRS Ed., 2002.
4. Palais de Chaillot, jusqu'au 5 janvier 2004.
5. Plon, 1989.

Chef-d'oeuvre en péril« Lorsque tu verras Jabarren, tu seras médusé ! » avait dit le lieutenant Brenans, des troupes sahariennes, à l'explorateur Henri Lhote avant son départ pour le Tassili en 1956. Mais aujourd'hui, lorsque, venant de Djanet et après trois heures de rude montée, on arrive au col d'Aroum dans cette incroyable cité pétrifiée aux colonnes de grès sombre, on est effectivement médusé devant la... décrépitude des quelque 5 000 figures multimillénaires qui ornent les parois de la forêt de pierre. Les « géants », peints par les « Têtes rondes »,que l'explorateur français comparait à des « Martiens » tombés du ciel, sont dans un état lamentable. Dégradation naturelle, certes, due au ruissellement des eaux, aussi rare que violent dans ce lit d'oued, mais surtout vandalisme signé de la main de l'homme.Après les années noires du terrorisme, les touristes, qui fuyaient le Sahara algérien, reviennent depuis la fin de 1999. Allemands, Autrichiens, Italiens, Français sont de plus en plus nombreux à venir admirer les fresques du Tassili. Environ 3 000 visiteurs en l'an 2000, près du double en 2002. Alors qu'il était fait obligation d'être accompagné d'un guide local pour monter sur Jabarren, aucun gardien ne semble plus contrôler le flux des touristes. Seuls 130 fonctionnaires surveillent aujourd'hui ce musée d'art préhistorique à ciel ouvert grand comme deux fois la Suisse !Outre les nids de frelons et les champignons microscopiques qui « mangent » les parois, les touristes mouillent la roche avec du soda pour révéler les couleurs. Les peintures s'effacent, la pierre s'effrite. De certaines fresques, qui s'étalaient sur plusieurs mètres, il ne reste que de vagues traits, une tête de boeuf par-là, une croupe par-ci. Il faut scruter longtemps pour deviner les motifs, parfois recouverts de graffitis. Les enclos de cailloux placés devant les oeuvres semblent peu dissuasifs. On trouve aussi des boîtes de sardines, de la ferraille...Le mauvais exemple vient de loin. Les photos prises lors de l'expédition d'Henri Lhote en 1956 montrent les artistes de son équipe en train de « lessiver » les ocres à l'éponge ! Un « bon nettoyage des parois » destiné à raviver les couleurs pour mieux relever les figures, qui fut répété durant trois mois... Marie Audran27/06/2003 - © Le Point - N°1606
L'appel du désert
Immense, hostile, dangereux, le désert fascine. Parce qu'il est à l'origine des civilisations, parce qu'il est le berceau des religions monothéistes, parce qu'il est nu et aride. Et parce que, là, l'homme occidental peut satisfaire, loin du tourisme de masse, son désir de solitude. Enquête sur cette soif du désert...Qu'y a-t-il sur terre de plus inhospitalier qu'un désert ? Tout n'y est que vide, sécheresse et désolation. Sur ce néant de pierre, au mieux mer de sable par endroits, règne en tyran le soleil, boussole ardente qui fait perdre le nord, troublant la vue et asséchant les bouches. Brûlante le jour mais glacée la nuit, l'étendue stérile ne semble conçue que pour en chasser l'homme. Le défi de la survie, pourtant, n'a jamais cessé de susciter l'aventure au prix du péril. Chasseurs d'absolu ou pilleurs de caravanes, légionnaires au képi blanc ou hommes bleus, beaucoup ont fini pétrifiés dans les schistes ou happés par une dune, pareils à ces squelettes d'animaux blanchis par la chaleur. Sahara, Ténéré, Hoggar, Tanezrouft, Rub' al-Khali, Kalahari, Hedjaz, Thar, Gobi... la liste de ces hauts lieux de solitude charrie un sirocco d'imaginaire et de sensations torrides (voir carte page 68). A la simple évocation du désert, les langues se collent au palais et les récits des expéditions jaillissent des mémoires, façonnées par l'héritage colonial et les grandes destinées. Voici, en version anglo-américaine, surgir l'aventure magnifique de Lawrence d'Arabie élevée au stade mystique par un Peter O'Toole inoubliable, bédouin nordique ivre de sable. Voici encore, en version tricolore, les descendants des régiments d'Afrique, gardiens et bâtisseurs d'un empire magnifique, les chasseurs, les spahis, les goumiers ou les moines-soldats à la Charles de Foucauld... Les compagnies méharistes de Fort Saganne se détachent à l'horizon, seules taches de couleur - burnous, chèche et couvre-nuque - venues maculer l'ocre parfait du grandiose théâtre de l'aridité. Le désert est autant un enfer qu'une épopée.C'est dans ce décor de légende que l'homme moderne vient aujourd'hui chercher le mystère qu'y défend l'hostilité de la nature. Fuyant les jungles urbaines où voisinent l'ennui de l'abondance et le souci de la misère, de plus en plus de « chercheurs d'ailleurs » tentent leur propre traversée du désert comme une épreuve initiatique. Attirés par l'immensité du cadre autant que par la prouesse individuelle, ils marchent sur les traces des glorieux découvreurs du siècle dernier et s'offrent une tranche de vie hors du commun. Certes, ils ne sont encore que quelques milliers à oser réellement affronter la soif, la desquamation, les tendinites et les risques de mauvaises rencontres. Mais leur aspiration, venue s'ajouter à une abondante littérature, à une fascinante filmographie, nourrit désormais une grande mode (voir page 70). C'est au désert que l'Homo sapiens fatigué de l'hémisphère Nord veut se ressourcer. C'est dans la pérégrination originelle, aux côtés des frères nomades d'ancestrale résistance, qu'il entend accomplir son chemin intérieur. C'est confronté à la maigreur de la pitance, à la rareté de l'eau qu'il pense faire le vide dans sa tête.Avant toute dimension spirituelle, voire mystique, il faut sans doute y voir une réaction au tourisme de masse qui ne laisse plus un seul lieu vierge de par le vaste globe. Les îles perdues du Pacifique se couvrent de pistes d'atterrissage et les chemins de trekking de l'Himalaya sont parsemés d'immondices. Quant aux cultures primitives qui fascinaient les anthropologues, elles ne sont plus épargnées. Les Indiens d'Amazonie envoient ainsi leurs chefs de tribu se produire en « prime time » sur TF1. Et que dire des civilisations mystérieuses de Pétra (Jordanie) ou de l'île de Pâques, qui n'ont plus aucun secret pour les tour-opérateurs ?Contrairement à ce qui prévalait encore durant les années 80, l'éloignement n'est plus tant le critère discriminant du tourisme. L'époque est révolue où les petits budgets se cantonnaient aux villages de vacances de Grèce ou de Tunisie, tandis que le voyageur à gros moyens comptait sur le filtrage de l'argent pour « avoir la paix » à Bali ou aux Seychelles. La démocratisation des tarifs aériens réduit la part du transport dans le coût des villégiatures. De plus en plus de passagers vont donc de plus en plus loin. Désormais, ce sont surtout la qualité des prestations offertes, les conditions d'hébergement, le niveau de l'encadrement et des divertissements qui marquent l'écart de prix. Les professionnels du voyage ont trouvé jusqu'au bout du monde des solutions pour toutes les bourses et parcourent la planète, à l'affût de la bonne adresse qui remplira aussi bien le charter que l'hôtel de charme. Dès lors, peu de destinations résistent à la déferlante.Cette vaste transhumance laisse toutefois sur le bas-côté toute une clientèle d'intellectuels nantis ou non, de puristes férus de tranquillité ou d'émotions et de gens simples soucieux d'authenticité ou de rencontres, qui ont en commun de rechercher une évasion d'exception. C'est à eux que le désert s'adresse. Dévoreurs de littérature de voyage ou, à l'inverse, sportifs uniquement attirés par la performance, familles entières, groupes d'amis, amoureux d'histoire et de géographie, tiers-mondistes impénitents, nostalgiques, mystiques : la soif d'espace et d'intégrité gagne des coeurs différents. Mais tous marchent sur les pas des grands témoins qui ont ouvert la voie.Il y a un siècle déjà, Isabelle Eberhardt avait su résumer cet appel mieux que personne. « Etre seul, écrivait-elle, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et pourtant chez soi partout, marcher solitaire et grand à la conquête du monde... » Vision lumineuse, étonnante d'actualité, que celle de cette aventurière déguisée en homme et se faisant appeler Mahmoud pour vivre pleinement « à l'ombre chaude de l'islam ». Morte noyée dans le désert à la suite de la crue subite d'un oued - ironie d'un destin rare ! - elle a laissé d'admirables cahiers de nouvelles, notes et récits où sa « montée » au désert est exaltée en des termes qui ne peuvent que ravir le randonneur d'aujourd'hui. « Moi à qui le paisible bonheur dans une ville d'Europe ou du Tell ne suffira jamais, confesse-t-elle, j'ai conçu le projet hardi de m'établir au désert et d'y chercher à la fois la paix et les aventures. » Comment mieux résumer l'appel du Sahara ?...La leçon de silence et de modestieEtouffée par l'amnésie collective pendant des décennies, l'oeuvre d'Isabelle Eberhardt a subitement été exhumée il y a quelques années, et ne cesse depuis d'être rééditée sous toutes les formes. Son succès ne se dément pas et produit à son tour un fort attrait pour tout le genre littéraire « désertique ». En témoigne l'estime renouvelée du public pour Wilfred Thesiger, auteur d'un livre-culte, « Le désert des déserts », dans la mythique collection « Terre humaine » de Jean Malaurie (Pocket). Au fil de ces pages embrasées de soleil, la fièvre des immensités, magnifiquement décrite, s'empare de quiconque est sensible à l'ivresse de la solitude et au voyage intérieur.L'impression est identique à la lecture d'Ella Maillart, autre auteur de best-sellers décennaux, voyageuse la plus étonnante de ce siècle, partie dès les années 30 découvrir les roches désolées de l'Afghanistan et l'infinité froide du Gobi. Dans « La voie cruelle » (Payot), elle explique ainsi « comment on peut vivre en accord avec son coeur » dans un certain décor seulement. A travers ses descriptions, la richesse géographique du désert saute aux yeux. Plaine, steppe, montagne, voire marécage aux abords immédiats des oasis, la diversité de ces contrées change l'image du désert.Pour attiser encore cette soif, le désert s'est forgé un héros vivant, ou plutôt un antihéros, en la personne incontestée de Théodore Monod. Descendant d'une longue lignée de huguenots, le vieil homme sec aux airs d'Henry de Monfreid est devenu en quelques années une véritable conscience de l'époque (voir page 72). Tour à tour théologien, écologiste, géophysicien, professeur d'histoire naturelle, il arbore le cuir tanné et la barbe rase de l'austère sagesse. De ses récits (rassemblés dans un « Thesaurus » édité par Actes Sud) on aurait tort d'attendre quoi que ce soit de spectaculaire. C'est tout le contraire. L'appel du désert est une voix intérieure qui susurre à l'oreille des paroles simples mais amicales. Dans « Méharées », un de ses récits les plus fameux, Théodore Monod s'étend ainsi sur plusieurs pages pour décrire, sans aucune autre forme de fioriture, la composition des repas quotidiens : « Riz, pain, thé », etc. Rien d'extraordinaire, en somme. Mais tout est là. Le désert est une école de modestie, une leçon de silence et de persévérance, une épreuve de fond.Le grand mérite de Théodore Monod est d'avoir donné à l'ascétisme un doux visage, et aux âpretés de la nature un goût d'éternité. A l'instar de ses ancêtres protestants, qui avaient baptisé « désert » les contreforts des Cévennes où ils se réfugiaient pendant les dragonnades, le vieil homme fuit au coeur du Sahel les agressions de la ville et celles d'un monde sans Dieu. « Le désert est beau parce qu'il est propre et ne ment pas » (« Terre et ciel », Actes Sud). Par ces mots, Monod a tout dit...Cette quête de vérité fondée sur un dépouillement volontaire rejoint les racines mêmes de la civilisation. « Le désert est monothéiste », considérait Renan, frappé par la similitude du judaïsme, du christianisme et de l'islam. Les trois grandes religions monothéistes sont en effet nées au désert. « Oui, je fuirais au loin pour passer la nuit au désert » (Psaume 55, 8), chante déjà le psalmiste lorsqu'il est poursuivi par ses ennemis. Dans la Bible, le désert apparaît comme le refuge suprême où la rencontre avec le Très-Haut se fait naturellement : c'est le lieu de rendez-vous privilégié de l'âme. Bien que peuplé d'une faune de démons - Asmodée, le mauvais esprit, Lilith, la femelle du méchant, et une pléiade de satyres à pieds et barbiche de bouc - le désert est le royaume de la nudité totale où Yahvé forge son peuple. Il faut à la dramaturgie divine un théâtre à la dimension du Créateur : le Sinaï est ainsi sanctifié. Surgit alors la figure éternelle de Moïse, pasteur des Hébreux pendant quarante années de nomadisme, alternance de cycles d'errance et de privations. Dans ce creuset sinaïtique, l'homme est à la merci de ses propres pulsions et le moindre péché produit un terrible écho dans le cirque des montagnes déchiquetées. Le message est clair : dans le désert, il n'y a point d'artifice ni d'échappatoire, car le secours ne peut venir que d'En Haut, c'est-à-dire, aussi, de l'intérieur.C'est encore au désert que Jean Baptiste choisit de prêcher pour annoncer l'approche du « Royaume des cieux ». Se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage, il est le précurseur antique de la mode du désert, dans la mesure où sa quête ne visait qu'à être vraie. Jésus lui-même se retire au désert pour y être à la fois « servi par les anges » et tenté par le diable. Quant à Mahomet, il ressent le vibrant appel à quitter la ville avant d'entendre en plein Nefoud la voix de Dieu qui soudain le pétrifie. C'est au coeur de la fournaise d'Arabie, sur un plateau aride devenu l'enclume d'Allah, que le marteau céleste frappe la terre de sa révélation.En dépit de son vide apparent, le désert attire aussi de nouvelles vocations... au nom des hommes et des croyances qui l'habitent. L'islam, bien sûr, est indissociable des caravanes groupées ainsi que des Touareg isolés qui parcourent les interminables étendues de sable comme ils le feraient sur une plaine fertile. Et la fascination de cette religion joue son rôle pour les randonneurs venus d'Occident, comme l'atteste le succès d'une certaine mode vestimentaire. Mais, autant qu'il est dépeuplé, le désert est un monde habité dans tous les sens du terme. Parmi les marcheurs qui se risquent à travers le Sahara, parfois au péril de leur vie (six personnes disparues en 1994, quinze autres en 1993), nombreux sont ceux qui recherchent la confrontation avec les nomades hiératiques du monde des dunes. Le soir, au bivouac, des liens se créent sans la moindre parole, uniquement au nom de la fraternité humaine qu'encourage la cruauté de l'élément naturel.Rien d'étonnant si même la psychanalyse y voit maintenant des vertus. Le « psy » canadien Guy Corneau, auteur de « N'y a-t-il pas d'amour heureux ? » (Robert Laffont), organise ainsi des séjours dans le désert afin de développer une nouvelle masculinité. Convaincu que l'homme moderne est victime de la cuirasse de virilité qu'il veut revêtir en toutes circonstances, Guy Corneau réunit des groupes de vingt à vingt-cinq volontaires qu'il emmène dans le Sud tunisien pendant une dizaine de jours. Là, dépourvus de leurs atours sociaux, les hommes apprennent à retrouver le chemin de la sincérité, du silence et du partage.Une catastrophe écologiqueSans doute le désert n'a-t-il jamais été si peuplé. Théodore Monod, qui raconte avoir vu des traces de pneu dans les recoins les plus inaccessibles, craint même que le dernier espace vierge de la planète ne soit à son tour souillé. C'est que le chameau, bien que toujours usité, laisse de plus en plus la place aux 4 x 4 et autres Land Rover. Tandis que les quelques villes du désert, Chinguetti ou Tombouctou, agonisent inexorablement, l'homme blanc se prend à rêver, comme dans « L'Atlantide », d'une véritable civilisation du néant qui cacherait des richesses humaines dont il s'est lui-même privé dans son septentrion. Il reste qu'armé du GPS, système d'orientation qui le relie ni plus ni moins qu'à un satellite, équipé du meilleur matériel de randonnée, il bouscule les données d'un univers de pénurie jusqu'ici clos et préservé. Le moindre paradoxe du désert n'est pas que ses visiteurs se réjouissent de son étendue, tandis que les autochtones ne visent qu'à l'irriguer pour le faire reculer.Le cher Sahel qui plaît tant aux Européens est en vérité une catastrophe écologique mondiale qui préoccupe tous les gouvernements africains. Cette divergence fondamentale marque les limites de la fascination et ne doit pas être perdue de vue. A l'ignorer, on aurait tôt fait de voir dans le désert l'ultime décor du « dernier sanglot de l'homme blanc ».Comment se fabrique le désert«Le Sahara est un chef-d'oeuvre de la nature », s'exclame le géographe Pierre Rognon (1). Un chef-d'oeuvre s'exprimant en de grandioses paysages que le géologue Théodore Monod caractérise par cette métaphore : « Au Sahara, la planète est véritablement à nu, et même davantage : elle n'a plus de peau, on lui voit les os... c'est-à-dire la roche en place. »En fait, comme l'a révélé le Petit Prince à Saint-Exupéry lors de leur « rencontre » dans le désert, au Sahara, « l'essentiel est invisible pour les yeux ». L'essentiel du désert n'est ni dans les dunes des grands ergs, ni dans les immensités caillouteuses des regs, ni dans les fantomatiques édifices montagneux du Hoggar et du Tibesti. L'essentiel, c'est la persistance au niveau du tropique du Cancer - sur un croissant allant des îles du Cap-Vert jusqu'à la Mongolie en passant par le Moyen-Orient - d'invisibles et fantastiques masses d'air comprimé. Des « cellules anticycloniques », comme disent les météorologues, mises en place par la circulation générale de l'atmosphère. En venant échouer, voilà trois millions d'années, sous ces latitudes, par le jeu de la dérive des continents, le nord du radeau africain s'est retrouvé coiffé par un couvercle d'air capable de créer, et d'entretenir, des conditions de sécheresse extrême.L'efficacité du bouchon anticyclonique est telle que les basses couches d'air, dilatées par l'infernale chaleur qui règne au ras du sol, ne peuvent s'échapper vers le haut. Seule issue possible : la périphérie de la zone désertique. Ainsi naissent les fameux vents brûlants et desséchants que sont l'harmattan sur la bordure sud, le sirocco et le khamsin au nord-ouest et au nord-est du désert. Ces vents, en repoussant impitoyablement les masses d'air périphériques qui se gorgent d'humidité au-dessus de l'Atlantique, de la Méditerranée et de la forêt équatoriale, protègent les frontières du Sahara. Le superdésert s'autoentretient grâce à ce mécanisme pneumatique.Depuis quelques années, on sait que les anticyclones faiseurs de déserts peuvent changer de localisation, notamment en fonction des modifications de la position de la Terre sur son orbite autour du Soleil. En faisant varier le flux d'énergie reçu par l'atmosphère, la position astronomique du globe détermine des cycles sécheresse-humidité de cent mille, quarante mille et vingt mille ans environ. Le Sahara a connu des alternances de périodes sèches et humides dont on a retrouvé les traces.Aux coups de boutoir astronomiques vient se superposer aujourd'hui un nouveau risque. En brûlant charbon, pétrole et gaz, en étendant à l'infini les cultures et les élevages, l'humanité libère à foison du gaz carbonique et du méthane. Or ces substances sont capables, exactement comme le fait une serre agricole, d'empêcher l'atmosphère de renvoyer dans l'espace une partie de l'énergie solaire dont la Terre est arrosée. Cet « effet de serre » fait croître les températures moyennes du globe et accélère l'évaporation de l'eau. Entre autres conséquences du réchauffement climatique global, le désert des déserts a actuellement tendance à gagner du terrain vers le nord et à en perdre sur sa frontière sud. Le Sahel reverdit, mais la désertification grignote le Maghreb, l'Egypte, le Moyen-Orient. Si ces régions, où la pression démographique est très forte, ne luttent pas contre l'avancée du désert, elles vont perdre une partie des terres cultivables qui leur permettent aujourd'hui de nourrir, chichement, leurs populations. Hervé Ponchelet1. « Biographie d'un désert », de Pierre Rognon (Plon).Le mystère des sables chantantsDans son bureau qui, à l'Ecole supérieure de physique et chimie de Paris, jouxte celui de Pierre-Gilles de Gennes, Jacques Duran secoue avec vigueur un flacon contenant une poudre de grains de silice. Alors, dans les mains de ce physicien, spécialiste des milieux granulaires (1), le flacon se met à « chanter ». Plus exactement, à produire une sorte de mugissement sourd.Sept cents ans après que Marco Polo a rapporté, dans « Le livre des merveilles du monde », avoir entendu chanter le sable du désert de Mongolie, les scientifiques sont en passe d'expliquer le mystère du « chant des dunes ». Dans un article de la revue Nature (6 mars 1997), Douglas Goldsack, Marcel Leach et Cindi Kilkeny, de l'université Laurentian, au Canada, proposent une explication. Pour qu'un sable chante, il faut, disent-ils, non seulement que ses grains, comme ceux de tous les sables des déserts, aient un diamètre de 100 à 500 microns, mais, en plus, que leur surface soit recouverte d'un gel de silice. C'est-à-dire de silice chimiquement liée à des molécules d'eau. C'est bien le cas des échantillons de sables doués pour le chant qu'ils ont analysés. Y compris du sable chantant de Kauai, à Hawaii, dont les grains, pourtant faits de calcaire, sont effectivement enveloppés d'un gel de silice. C'est bien le cas des grains artificiels du flacon de Jacques Duran. Preuves supplémentaires : les chercheurs de Laurentian ont réussi à « couper le sifflet » de sables chanteurs en les débarrassant de leur gel de silice. Inversement, ils ont donné la voix à des sables muets en recouvrant leurs grains d'un tel gel.Reste à expliquer le mécanisme exact qui, lorsque ces grains recouverts de gel de silice sont déplacés par le vent du désert, produit un son à 435 kHz, voisin du la. Un casse-tête pour physicien de haut vol. Hervé Ponchelet(1). « Sables, poudres et grains », de Jacques Duran (Eyrolles).Le désert françaisSelon la terminologie française établie par le dictionnaire de Trévoux (XVIIIe siècle), est désert tout espace « qui n'est point habité ni cultivé ». Selon cette définition, les « déserts français » seraient donc nombreux, notamment les forêts ! Un géographe appelé à un certain succès, Jean-François Gravier, n'a-t-il pas fait sensation en publiant, en 1947, « Paris et le désert français » pour dénoncer la centralisation du pays ? En réalité, on ne compte à proprement parler qu'un désert national, situé dans le nord de la Corse, le désert des Agriates, région parfaitement dépeuplée et aride, d'une grande beauté. Un autre plateau, celui des Causses, pourrait venir compléter le club de la désolation. Enfin, le « désert » des protestants (situé dans le Gard), qui sert de cadre à un grand culte annuel en plein bois, n'est qu'une appellation évoquant la prédication en plein air de Jean-Baptiste et la résistance aux dragons de Louis XIV. 12/07/1997 - © Le Point - N°1295

19 nov. 2007

TIN HINAN ANCÊTRE EPONYME

Son squelette a été découvert en 1925
Tin Hinan, une reine ou un roi ?
Reine mythique des Touareg Ahaggar, devenue figure légendaire et incontournable de l’identité berbère, Tin Hinan n’a pas fini — encore aujourd’hui — de livrer tous ses secrets.
Plus de 15 siècles après sa disparition, elle remplit son univers de fantasmes et aiguise bien des curiosités scientifiques. 82 ans après la découverte du tombeau dit de Tin Hinan à Abalessa (73 km à l’ouest de Tamanrasset), les « doutes » sur l’identité réelle du personnage inhumé ne cessent de hanter la communauté scientifique. Des incertitudes que des chercheurs du Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) appellent à dissiper. De nouvelles fouilles et des tests ADN s’imposent, selon eux, pour identifier le squelette découvert en 1925. Il va sans dire qu’un tel « projet » paraît hautement risqué pour les « gardiens du temple ». La légende et le mythe fondateur des Touareg survivront-ils cette fois-ci à l’implacable vérité scientifique ? Abalessa. Vendredi, 9 novembre. La caravane de préhistoriens, invités de marque du colloque international sur la préhistoire maghrébine (organisé à Tamanrasset du 4 au 9 novembre), marque sa dernière halte. Le voyage au bout de l’Askrem, entamé la veille, prend fin, non sans émotion, sur ces terres d’Abalessa, l’ancienne capitale du Hoggar, au pied d’un des plus grands monuments berbères, le tombeau « présumé » de Tin Hinan. Le monument funéraire se dresse devant ses scrutateurs, gorgé de mystères. Quelques-uns des grands noms de la recherche préhistorique algérienne, Malika Hachid, Abdelkader Haddouche et Slimane Hachi, pour ne citer que ceux-là, font les précieux guides pour leurs collègues du Maroc, de Tunisie, de France, d’Espagne, de Belgique, d’Italie… émerveillés et insatiables. L’histoire et la mémoire des lieux, chacun y est allé de ses certitudes et de ses doutes pour la conter. Au sommet du mausolée, et devant l’assistance disposée en cercle dans une chambre mitoyenne avec celle abritant la « sépulture » de Tin Hinan, Malika Hachid et M. Haddouche plaidaient avec force arguments la reprise des fouilles pour déterminer avec précision le sexe et l’identité du personnage inhumé dans la fameuse chambre n°1. M. Hachi, directeur du CNRPAH, objecte fermement. « Mais en quoi serait-il important de le savoir ? », fait-il mine de s’interroger. « Nous sommes ici, dit-il, dans un site archéologique qui abrite un mythe fondateur qui structure toute la société. » « Il faut laisser de côté le mythe », déclare-t-il, lui « donner sa chance de survie » et ne pas se substituer à la société qui est la seule, d’après lui, à savoir s’il faut laisser vivre ou mourir la légende.
Abalessa et la polémique des scientifiques
Le débat, plutôt l’échange entre les deux chercheurs, s’enflamme. Malika Hachid répliquera du tac au tac : « C’est un travail purement scientifique. Il s’agit de reprendre des fouilles et des études anciennes, car si on suit la légende et la tradition orale, on a affaire à un mausolée abritant une femme, mais si on suit l’archéologie et l’anthropologie, on a une version qui n’est pas aussi précise. C’est pour cela qu’il faut reprendre toutes les fouilles, étudier de nouveau le squelette, envisager une reconstitution faciale, et des analyses ADN pour savoir si c’est un XX ou XY, un homme ou une femme. » Face à un tel assaut, M. Hachi ironise : « Tin Hinan, femme ou homme, mon Dieu, en quoi serait-ce important ?! » « Ah si, répond Malika Hachid. C’est important, surtout pour une femme archéologue comme moi ! » Le mythe, rappelle-t-elle, était déjà à la base des recherches menées jusque-là. « On range de côté le mythe » Tin Hinane, on a un squelette et on ne sait pas à quoi il correspond. Il y a un doute. Un doute que Marie-Claude Chamla, qui a étudié le squelette, a clairement exprimé. Sur le plan purement archéologique, anthropologique, physique, il y a nécessité de reprendre les fouilles, surtout à la lumière de nouvelles études comme celle de l’architecte de l’Office du parc national de l’Ahaggar (OPNA), Karim Arib, des gravures découvertes à la base du monument et aussi en exploitant le fonds documentaire inédit qui nous a été légué par Félix Dubois. Grand reporter et explorateur, Félix Dubois (1862-1945) était présent sur les lieux en 1903 bien avant les premières fouilles entamées en 1925 par la « mission » franco-américaine conduite par Maurice Reygasse (directeur du musée de préhistoire et d’ethnographie du Bardo) et l’Américain, le comte de Prorok. Une mission qui fera longuement sensation vu la valeur et l’importance de la découverte. Tin Hinan, la « reine mère » des Touareg Ahaggar, venait de renaître de ses cendres. Les deux archéologues découvriront dans la chambre d’inhumation le squelette attribué par la suite à Tin Hinan. Les ossements reposaient, d’après les premières descriptions faites par Reygasse, sur les restes d’un lit en bois sculpté. Le squelette en bon état de conservation était couché sur le dos, orienté vers l’Est, les jambes et les bras légèrement fléchis et la tête coiffée de plumes d’autruche. 15 bracelets en or et en argent, des perles d’antimoine, des perles de métal, un anneau et une feuille d’or, des perles rouges, blanches et colorées, des graines de collier, deux poinçons en fer... et autres objets précieux et moins précieux ont été découverts sur et autour du squelette. Des bijoux d’inspiration sahélienne, selon Malika Hachid, et un trésor funéraire d’une valeur inestimable, pesant 7 kilos d’or. Une telle découverte ne laissa personne indifférent. Le comte de Prorok s’est arrangé, d’après Reygasse, pour obtenir discrètement de Paris les autorisations nécessaires pour transférer le squelette et les objets funéraires aux Etats-Unis. Officiellement pour les présenter dans les universités US. Des chercheurs pour Camps crieront au « vol ». Sa chevauchée à l’Ouest, Tin Hinan l’effectuera sous l’appellation « d’Eve du Sahara » que de Prorok lui choisira.
Une reine berbère à New York !
La reine berbère sillonnera en post-mortem plusieurs Etats dont celui de New York. Et ce n’est que suite aux « vives protestations » des autorités coloniales que le trésor d’Abalessa a été restitué au musée du Bardo. Le docteur Leblanc, doyen de la faculté de médecine d’Alger, était le premier, sur demande de Maurice Reygasse, à réaliser la première étude anthropométrique sur le squelette d’Abalessa. Le squelette qui mesure entre 1,70 et 1,75 m est, d’après Leblanc, celui d’une « femme de race blanche ». Il se basera dans ses conclusions sur les caractères du crâne, la dimension réduite du sternum et des côtes, la forme et la dimension du bassin et l’aspect des os longs des membres. Leblanc signale aussi que les vertèbres lombaires et le sacrum présentent des lésions manifestes avec déformation sur la cinquième lombaire. Autrement dit, Tin Hinan « boitait ». En recoupant avec les « sources historiques », notamment Ibn Khaldoun, on conclura rapidement que le squelette était vraisemblablement celui de Tin Hina. D’après Ibn Khaldoun, les ancêtres des Touareg, les Berbères Houara, appelaient Tin Hinan, Tiski « la boiteuse ». Le patronyme « Tin Hinan » signifie, selon l’analyse linguistique réalisée par Dida Badi, chercheur au CNRPAH, « celle des campements ». Mais tout n’est pas aussi parfait. Le « fabuleux destin » de Tin Hinan est vite assiégé par les doutes. Après Gabriel Camps, les travaux de Marie-Claude Chamla et Danilo Grébénard ont installé définitivement la « légende » Tin Hinan dans une intenable posture. Pour cause, le squelette est, selon eux, celui d’un homme. Mais comment expliquer dès lors la présence de la parure féminine ? Dans ses mémoires éditées en 1968 sur les Populations anciennes du Sahara et des régions limitrophes, Marie-Claude Chamla conclut que les « restes étaient ceux d’une femme à caractéristiques masculines » et ajoute que « si les objets découverts dans la tombe n’étaient pas spécifiquement féminins, nous aurions opté pour le sexe masculin » et ce d’après les « caractères du crâne et du squelette, âgés entre 40 à 50 ans, moyennement robuste », écrit-elle.
Squelette d’homme, parure de femme
Presque à la même période, un autre chercheur, Grébénard en l’occurrence, avance une thèse moins « indulgente » pour le mythe. Dans son article consacré à l’étude du mobilier funéraire, il écrit ceci : « (…) Le mausolée renferme un personnage certainement de sexe masculin, dont l’inhumation est à la fois datée par le Carbone 14 et par une empreinte de monnaie à l’effigie de l’empereur romain Constantin le Grand, émise entre 308 et 324 après J.-C. » Il va plus loin dans son interprétation du « mythe fondateur » des Touareg. Pour lui, la « légende de Tin Hinan est une création récente, 200 à 300 ans, conjoncturelle, créée par les Touareg Kel Rela pour des raisons d’ordre politique, afin de conserver le pouvoir et leur suprématie sur tous les Kel Ahaggar. Elle est donc totalement étrangère au tombeau et au personnage qu’il contenait ». Cependant, il n’y a pas que le sexe du personnage qui donne encore des migraines aux scientifiques. Le monument d’Abalessa renferme d’autres troublants mystères. Le site, « mal fouillé », selon les archéologues algériens, peut encore révéler — si les recherches reprennent — de précieuses indications pour comprendre aussi bien l’histoire et la servitude initiale du monument. A ce sujet, note Malika Hachid, les archéologues ont avancé deux hypothèses.
Part de légende, part de vérité
Il s’agit pour la première d’une « sépulture qui a reçu le squelette du personnage dit de Tin Hinan puisqu’on ne sait pas qui sait ». La deuxième, le « monument a d’abord été un fortin », une sorte de petite « tighremet » qui abritait l’Aghlid local (roi) (qui ) à sa mort y a été inhumé, transformant l’endroit en un mausolée. L’étude de Aribi, explique-t-elle, rend les choses plus claires. Les plans développés par l’architecte font ressortir qu’il y a d’abord eu une petite forteresse liée à un habitat de plaine où on venait se réfugier dès qu’il y avait une menace. Pour savoir par qui le site a été sacralisé, « une question d’anthropologie culturelle », il faudrait, selon Malika Hachid, reprendre les fouilles. Les reprendre à la base… du monument, propose-t-elle, où « rien n’a été déplacé ». « C’est là, fait-elle rappeler, que je suis tombé sur la gravure du cavalier, du chameau et des deux inscriptions libyques. Une gravure datant du IIIe siècle. » Une découverte « importante » car elle vieillit d’un coup le site d’un siècle, alors que la datation radiométrique de la lampe romaine et de la tunique en cuire rouge qui recouvrait le squelette le situait entre le IVe et Ve siècles de l’ère chrétienne. A peine cet exposé des motifs terminé, le préhistorien M. Haddouche (ex-DG du Bardo et de l’OPNA) vole au secours de sa collègue au CNRPAH, en mettant en avant le « problème d’ordre chronologique » que posent les 14 chouchets — monuments funéraires — découvertes autour du tombeau d’Abalessa. Leur datation doit être revue, selon lui. « Si les chouchets, explique-t-il, étaient implantées sur le versant du fortin, cela cause un problème d’ordre chronologique, car le fortin a été construit avant. De nouvelles fouilles nous permettront de savoir si celles-ci avaient été islamisées. » Ce qui renvoie à une toute autre époque le règne de Tin Hinan. Les enjeux historiques prennent tout leur sens. Les enjeux politiques aussi. La réaction épidermique de Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, aux propositions des deux chercheurs en dit long sur le « souci » qu’a l’establishment à préserver le mythe, même au détriment de la dérangeante vérité scientifique, reléguée au second plan. « On ne joue pas avec la mémoire », commentait Slimane Hachi. La « mémoire », c’est d’abord celle des tribus touareg de l’Ahaggar, descendants de Tin Hinan et de Takama, qu’il incombe de protéger contre les « pourfendeurs » de mythes. La légende n’en est pas moins belle pour autant. Le père de Foucault — qui recueillera au début du siècle les récits des Touareg de l’Ahaggar — rapportait la légende sublimée de Tin Hinan. C’est celle d’une femme venue avec sa servante Takama de sa lointaine contrée du Tafilalt, sud du Maroc, soumettre les Isabaten, la population autochtone qui vivait dans l’Atakor, et fonder son royaume sur la voie des caravanes. Autrement, on n’en sait que peu de choses sur elle, sur son vécu ou son règne. Peut-être faudrait-il juste se satisfaire du souvenir exalté d’une femme qui du désert en a fait une légende. M. Aziri El watan Edition du 18 novembre 2007

SAHARA: ENERGIE DU MONDE

Le Sahara algérien ou la centrale électrique de l’Europe : L’énergie solaire, l’alternative à l’après-pétrole
La sécurisation des approvisionnements énergétiques de l’Europe n’est finalement pas seulement une affaire de gaz et de pétrole.
C’est aussi et, surtout à moyen terme, une question qui relève d’une levée d’hypothèque sur un avenir, aujourd’hui incertain car ayant un profond ancrage dans une réserve pétrolière dont le potentiel ne résiste pas au temps sans autre alternative qu’un destin à la merci d’un atome aux contours pas très rassurants. Le Vieux-Continent, loin d’être en panne d’idées, est donc en train de mettre le cap sur les pays du soleil en tablant sur un substitut crédible à l’énergie nucléaire. Ce qui n’est pas une mauvaise affaire pour l’Algérie. Car notre pays est détenteur d'un des potentiels solaires les plus importants de tout le bassin méditerranéen et ne manque pas ainsi d’attractivités, de surcroît par sa position de proximité qui rend faisables les projets technologiques européens les plus ambitieux dans le domaine. Les responsables algériens ont tôt fait de saisir la balle au bond pour avoir compris le parti à tirer de l’intérêt grandissant des Européens et plus particulièrement des Allemands pour l’énergie solaire. Car cette dernière pourrait constituer pour notre pays une étape sécurisante qui laisse entrevoir autrement l’après-pétrole et pourquoi pas un atout qui lui confère un rôle aussi stratégique qu’il joue actuellement en tant que l’un des principaux fournisseurs de gaz à l’Europe. Le projet de réalisation d’un câble électrique long de 3 000 km, devant relier Adrar à la ville allemande d’Aachen, renseigne sur les ambitions futures de l’Algérie dont le sort est manifestement lié à l’énergie sous toutes ses formes, pour avoir été incapable d’assumer son développement hors des sentiers de la rente pétrolière. Une occasion donc qui peut rapporter gros pour notre pays si celui-ci met pleinement à contribution son aisance financière pour mettre l’infrastructure nécessaire à une production industrielle d’énergie solaire dont la demande se fait de plus en plus insistante sur le Vieux-Continent. Ceci d’autant plus que les experts en la matière estiment aujourd’hui qu’une telle perspective reste économiquement rentable, et le sera davantage avec le développement des technologies solaires qui tendent vers la réduction des coûts de production. Ce premier projet qui va relier le continent africain à l’Europe, à travers un réseau d’électricité solaire traversant la Méditerranée, en appellera sûrement d’autres. Allemands et Algériens jouent gros puisque le projet en question nécessitera un budget pouvant atteindre les 2 milliards d’euros. Ceci sans parler d’une enveloppe qui pourrait atteindre les 18 milliards d’euros nécessaires pour la réalisation des centrales solaires qui seront installées dans le Sud algérien. Le choix porté par les Allemands sur l’Algérie est loin d’être fortuit, tout autant d’ailleurs que l’empressement des Algériens à tenter cette première expérience avec l’Allemagne. N’est-ce pas que l'idée force des Allemands trouve son viatique dans l'énergie solaire abondante illuminant le Sahara algérien presque 8 mois sur douze ? Récupérer ne serait-ce qu’une petite partie signifie une couverture d’une part notable des besoins en énergie des pays méditerranéens, mais aussi de l'Europe. Ce qui est aujourd’hui tout à fait dans les cordes des technologies solaires. Cette perspective est prise en charge par le projet TREC (Trans-Mediterrranean Revewable Energie Coopération) d’autant plus que les experts estiment que le transport de l'électricité vers les pays du Nord, malgré d'inévitables pertes en ligne, resterait avantageux. L’Algérie avec l’immensité de son désert permet, par ailleurs, d’écarter cette préoccupation de gaspillage d’espace, d'où l'intérêt croissant porté par les Allemands à ce projet en coopération avec notre pays. À titre d’exemple, la centrale de 40 MW de Brandis, en Allemagne, couvrira ainsi de panneaux solaires sur 110 hectares de bonne terre. Au Sahara, ce gaspillage d'espace est moins préoccupant. Un premier pas prometteur a été donc fait dans une perspective résolument tournée vers l’énergie solaire par l’Algérie, à travers un plan de développement assorti d'un calendrier qui devrait être mis en œuvre par la compagnie NEAL (New Energy Algeria). Le 3 novembre, le ministre de l'Énergie, Chakib Khelil, a dans ce cadre posé la première pierre d'une installation hybride, comprenant une centrale à gaz de 150 MW et une centrale solaire de 30 MW, dans la zone gazière de Hassi-R'mel. Une installation hybride qui peut devenir à terme une installation majoritairement solaire. L’Algérie ne compte d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin puisque cette centrale fait partie d’un programme de quatre unités hybrides dont la construction a été prévue au Sahara. Des unités qui pourront à terme permettre l’exportation de l’électricité vers l’Europe. Une fois la vitesse de croisière atteinte, notre pays serait un exportateur de choix d’énergie solaire vers le nord de la Méditerranée en exploitant judicieusement l’autre richesse insoupçonnée du Sahara. Comme quoi l’Algérie aura toujours une place au soleil.
Zahir Benmostepha Copyright (c) LIBERTE 2005 www.liberte-algerie.com

CENTRALE DU MONDE?

Le Sahara générateur d'électricité ?
Oubliez les réacteurs nucléaires en Lybie : l'avenir de l'énergie dans les pays du sud de la Méditerranée n'est pas l'atome, mais le soleil. Un groupe d'ingénieurs allemands en a convaincu le gouvernement de Berlin et des partenaires du pourtour de la mer. Leurs arguments progressent aussi à Bruxelles, où deux parlementaires européens, Rebecca Harms et Anders Wikjman, organisent un colloque le 28 novembre sur un des projets technologiques les plus ambitieux de l'époque.
L'idée est forte et simple : l'énergie solaire illuminant le Sahara est très abondante. Si l'on pouvait en récupérer une fraction, celle-ci couvrirait une part notable des besoins en énergie des pays méditerranéens, mais aussi de l'Europe. Or les technologies solaires ont suffisamment progressé pour que cette perspective devienne réaliste.Sur le papier, le raisonnement est imparable : "Les déserts chauds couvrent environ 36 millions de km2 sur les 149 millions de km2 de terres émergées de la planète, explique le physicien Gerhard Knies, inspirateur du projet TREC (Trans-Mediterranean Revewable Energy Cooperation). L'énergie solaire frappant chaque année 1 km2 de désert est en moyenne de 2,2 térawattheures (TWh), soit 80 millions de TWh par an. Cela représente une quantité d'énergie si considérable que 1 % de la surface des déserts suffirait pour produire l'électricité nécessaire à l'ensemble de l'humanité." Dès lors, il devrait être possible, en multipliant les centrales solaires dans le désert, d'alimenter les pays riverains. Voire les pays européens.L'idée, dans l'air depuis longtemps, commence à se formaliser en 2002, lorsque Gerhard Knies, convaincu de la première heure, contacte la section allemande du Club de Rome. Une réunion d'experts a lieu début 2003 : le gouvernement, séduit, accepte de financer une étude approfondie. Celle-ci, menée par le Centre aéronautique et spatial allemand (DLR, l'équivalent du CNES français) et rédigée par l'ingénieur Franz Trieb, est publiée en 2005 et 2006. Elle conclut à la faisabilité du projet avec les technologies existantes.Concrètement, quelles infrastructures cela impliquerait-il ? La production d'énergie serait assurée par des centrales thermiques à concentration, dans lesquelles des miroirs font converger la lumière du soleil. La chaleur de celle-ci peut échauffer de la vapeur (employée pour faire tourner des turbines), mais elle peut aussi être stockée dans des réservoirs de sels fondus qui la restituent pendant la nuit. L'énergie résiduelle de la production d'électricité pourrait également servir, par le procédé dit de cogénération, à dessaler l'eau de mer - une préoccupation importante pour les pays du sud de la Méditerranée. Les experts estiment par ailleurs que le transport de l'électricité vers les pays du Nord, malgré d'inévitables pertes en ligne, resterait avantageux, dans la mesure où l'irradiation est deux fois supérieure dans le désert à ce que l'on observe en Europe.Le point-clé du projet, bien évidemment, reste sa rentabilité économique. D'après ses défenseurs, celle-ci serait au rendez-vous. "Aujourd'hui, une centrale solaire thermique produit l'électricité à un coût situé entre 0,14 et 0,18 euro par kilowattheure (kWh). Si une capacité de 5 000 mégawatts (MW) était installée dans le monde, le prix pourrait se situer entre 0,08 et 0,12 euro par kWh, et pour 100 GW, entre 0,04 et 0,06 euro par kWh", précise Franz Trieb."L'idée de TREC tient la route, renchérit Alain Ferrière, spécialiste de l'énergie solaire au CNRS. Elle table sur le fait que l'on a besoin de développer la technologie pour en faire baisser le coût." Pour l'instant, en effet, les centrales solaires se comptent sur les doigts de la main, en Espagne, aux Etats-Unis, ou en Allemagne. De plus, elles s'installent souvent sur des zones agricoles ou végétales, ce qui, d'un point de vue environnemental, n'est guère satisfaisant. La centrale de 40 MW de Brandis, en Allemagne, couvrira ainsi de panneaux solaires 110 hectares de bonne terre. Dans le désert, ce gaspillage d'espace est moins préoccupant. D'où l'intérêt croissant porté au concept de TREC par plusieurs compagnies d'électricité en Egypte et au Maroc. Et, plus encore, en Algérie.Détenteur d'un des potentiels solaires les plus importants de tout le bassin méditerranéen, ce pays a annoncé, en juin, un plan de développement assorti d'un calendrier, qui devrait être mis en oeuvre par la compagnie NEAL (New Energy Algeria). Le 3 novembre, l'acte fondateur du projet a été effectué par le ministre de l'énergie Chakib Khalil, qui a posé la première pierre d'une installation hybride, comprenant une centrale à gaz de 150 MW et une centrale solaire de 30 MW, dans la zone gazière de Hassi R'mel (Sahara). Son ouverture est prévue pour 2010. Une première étape vers ce qui pourrait, une fois réduits les coûts de production, devenir à terme une installation majoritairement solaire.Le 13 novembre, une autre étape a été franchie : le PDG de NEAL, Toufik Hasni, a annoncé le lancement du projet d'une connexion électrique de 3 000 km entre Adrar, en Algérie, et Aix-la-Chapelle, en Allemagne. "C'est le début du réseau entre l'Europe et le Maghreb. Il transportera de l'électricité qui, à terme, sera solaire à 80 %", affirme M. Hasni, interrogé par Le Monde. L'Europe s'étant fixé un objectif de 20 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2020, cette perspective pourrait intervenir à point nommé. Les financements de la connexion Adrar - Aix-la-Chapelle restent cependant à boucler. Comme restent à aborder les conséquences négatives que pourrait avoir sur le paysage la création d'un réseau à haute tension entre le Maghreb et l'Europe.Côté positif, le recours au soleil pourrait en retour contribuer à résoudre certains problèmes lancinants des pays arabes. Un volet du projet TREC envisage ainsi une centrale solaire dans le désert du Sinaï pour alimenter la bande de Gaza, qui manque cruellement d'électricité. Un autre imagine d'installer au Yémen une centrale permettant de dessaler l'eau de mer : une urgence pour la capitale, Sanaa, qui sera confrontée à l'épuisement de ses réserves d'eau souterraine d'ici quinze ans.Plus globalement, le développement de l'énergie solaire, soulignent ses promoteurs, pourrait servir la cause de la paix en devenant un substitut crédible à l'énergie nucléaire. Celle-ci, comme le montre le cas iranien, pouvant toujours favoriser un développement militaire. Hervé KempfArticle paru dans l'édition du 18.11.07. (Le monde.fr)

8 nov. 2007

CILSS: CAMPAGNE AGRICOLE


CAMPAGNE AGRICOLE 2007/2008Un excédent de 700 mille tonnes en vue
Le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques a animé une conférence de presse sur les résultats prévisionnels de la campagne 2007/2008. C'était le 7 novembre 2007 à Ouagadougou. Le ministre a invité l'opinion au calme. La saison a été équilibrée dans l'ensemble et un excédent de plus de 700 mille tonnes est attendu. Cette sortie du ministre vient mettre un terme aux rumeurs de famine.La campagne agricole 2007/2008 a été marquée par les inondations dans certaines régions et, surtout, par l'arrêt prématuré des pluies dans la deuxième semaine du mois de septembre. Selon le ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo, il n'y a pas le feu dans la maison. C'est un avertissement sans frais qu'il a lancé aux spéculateurs qui, profitant des poches de sécheresse çà et là, font de la rétention volontaire et font flamber les prix. La réalité, de l'avis du ministre Salif Diallo, est tout autre malgré les aléas climatiques. La production nationale dégagera un excédent de 777 200 tonnes sur un besoin estimé à environ 3, 625 millions de tonnes. Cet excédent représente 28% de la consommation des populations. La particularité de cette campagne agricole est que des provinces traditionnellement déficitaires sont, cette année, excédentaires. Il s'agit, entre autres, des provinces du Nord et du Sahel qui ont été très arrosées. La baise de production est sensible dans certaines provinces de l'Ouest et du Centre. Les inondations ont amputé le bilan céréalier de 8 323 tonnes sur des parcelles perdues estimées à 17,712 ha. Ces baisses constatées dans certaines provinces sont le résultat de l'effet conjugué des inondations et de la sécheresse. Dans l'ensemble, la production nationale est en hausse de 2% .Les perspectives alimentaires sont jugées bonnes pour l'année 2008, d'autant que la production de la campagne sèche n'est pas encore additionnée. Celle-ci tourne autour de 500 mille tonnes, selon les chiffres du ministère. Pour Salif Diallo, "on n'est pas en situation de famine et l'Etat va prendre des dispositions pour "activer les mécanismes de gestion des crises alimentaires au profit des régions déficitaires. La Société nationale de gestion des stocks de sécurité sera mise à contribution. C'est un excédent qui est fragile, a estimé le ministre de l'Agriculture. Il a donc rappelé" qu'une lutte efficace contre les spéculations dans le commerce passe par la communication d'informations justes à l'opinion publique". C'était le but de cette conférence de presse qui a vu la participation du premier responsable du CILSS. Ce dernier est revenu sur la rigueur qui préside à la collecte et au traitement des données. De façon générale, la production est stable dans les pays du CILSS, avec une baisse au Cap-Vert (-31%)et en Guinée-Bissau (-9%).La question du Coton a été abordée par le ministre Salif Diallo, qui a constaté une baisse des superficies emblavées dans ce secteur de l'ordre de 32%. La production attendue est estimée à 525 mille tonnes. Le ministre a reconnu l'urgence de trouver une alternative à la baisse de prix d'achat au producteur. Cela passe, entre autres, par la transformation du coton sur place. Le Coton Bt reste une autre alternative pour réduire les coûts des intrants, généralement liés au cours du pétrole. Ont pris part à cette conférence de presse le représentant de la FAO. au Burkina, le ministre des Ressources animales, le ministre de l'Action sociale et de la Solidarité nationale.
Par Abdoulaye TAO Le Pays 08/11/2007

5 nov. 2007

LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION

Campagne de reboisement en Libye
Le secrétaire du comité populaire général libyen de l'agriculture et des ressources animales et maritimes, Aboubaker Mansouri, a affirmé que le nombre total des arbres forestiers et oliviers à planter dans le cadre de la campagne de reboisement pour cette saison est de 10 millions d'arbres réparties sur l'ensemble du territoire du pays.
Le responsable libyen a, au cours d'une réunion tenue dimanche à Tripoli, consacrée au suivi des dispositions et préparatifs en cours pour la mobilisation des installations et des équipements nécessaires et la fourniture de pépinières et des moyens de transport pour le démarrage de l'exécution de la campagne nationale de reboisement qui sera lancée prochainement, indiqué que quatre de ces sites se trouvent dans diverses régions du pays dont celle de Jabal Al-Gharbi, Jabal Al-Akhdhar, Abounjim et Wadi Al-Loud.
Il a signalé que tout le personnel du secteur est disposé à exécuter les orientations du guide Mouammar Kadhafi dans ce domaine.
M. Mansouri a précisé que de nouvelles plantes forestières pouvant supporter la sécheresse ont été introduites tout comme plusieurs pépinières ont été promues pour la production de plantes forestières en vue du développement du couvert végétal dans les régions de Jabal Al-Akhdhar et de Jabal Al-Gharbi (respectivement nord-est et nord-ouest) et dans d'autres zones dans le sud libyen.
Des sources du comité populaire général libyen de l'agriculture et des ressources animales et maritimes ont indiqué que toutes les dispositions et préparatifs ont été parachevés pour le démarrage de la campagne au cours des prochains jours. Tripoli - 04/11/2007