
l'Essor n°15843 du - 2006-12-04
Autant les manuscrits de Tombouctou méritent une grande attention, autant ceux de Temaslit méritent d'être étudiés par les chercheurs. Dans une zone perdue dans le Tilemsi, des hommes de culture ont réussi le miracle créer et d'entretenir, depuis des lustres, des bibliothèques sous de fragiles tentes de peau.
Le Tilemsi est connu pour l'infinité de son étendue. Dans ce vaste espace les mirages forment des étangs infinis. Les citrylus dominent une végétation d'acacias parsemée sur une terre où l'herbe est rabougrie. Le sol est fendillé par les rayons d'un soleil toujours cuisant. La plaine de sable, à travers les fissures, semble implorer une ondée du ciel. Même si cette pluie tombe l'eau sera avalée en une journée par des mottes de terre assoiffées, asséchées et cuites par des années de déficit hydrique. Ici, dans les contées lointaines du Tilemsi la désolation enveloppe tout. La misère se prédit. La vie s'accommode d'une impressionnante population de teignes et de gales. La découverte d'une bibliothèque riche de plus de mille ouvrages dans un monde aussi aride relève du miracle. Les auteurs des ouvrages répertoriés sont tous des autochtones. Leur lignée vit sur ces terres depuis 5 siècles. La capacité d'adaptation de ces population et la force de leur instinct de survie sont exemplaires.Des classes sous les arbres : Nous sommes à Temaslit. Ce nom signifie "les échos" en langue tamacheqt. Le village est situé à 18 km à l'ouest de Tarkint, petite localité perdue au sud -ouest de Tilemsi. Elle jouxte une vaste plaine. Des centaines de troupeaux de moutons roux et de chèvres aux couleurs bigarrées paissent sur ce territoire. Le village constitue l'un des plus grands hameaux nomades touaregs du Mali. L'ensemble se compose d'une dizaine de maisons construites avec des briques confectionnées avec un mélange de sable et d'argile rougeâtre. Le décor est meublé de centaines de tentes en peau de chèvre, de mouton ou de chameaux. Elles sont éparpillées à perte de vue. Entre les habitations basses poussent des pieds de dattiers sauvages, des gommiers et des touffes à moitié enterrées de Panicum, une sorte de fonio de sable. Les ombres clairsemées servent de lieu de repos pour les cabris, les agneaux et les chamélons. Assis sous les quelques arbres au feuillage fourni, des enfants mal habillés, aux têtes teigneuses et au corps squelettique apprennent par cœur les 114 sourates du Saint Coran. Les bambins ont accroché des chambres à air de camion gonflées d'eau à un arbre non loin de "leur classe". Les pneumatiques, transformées pour les besoins de la cause, sont récupérés sur les véhicules des trafiquants, qui sillonnent le désert. A Temaslit, ces récipients atypiques servent de gourdes à la place des classiques besaces en peau d'animaux domestiques. Au centre du hameau est érigée la tente du Cadi, Abdou Ag Sididi, le patriarche de la communauté Ifaqaran. Cet homme, respecté de tous, est à la fois l'imam, le cadi et le plus grand professeur de théologie de la communauté. Il est âgé de 76 ans. Mais il n'a rien perdu de la vivacité de son esprit. L'érudit est très perspicace. Il fait preuve d'un remarquable sens de l'humour, qui n'altère en rien la vénération dont il jouit au sein des siens. Le dignitaire Abdou ag Sididi est veuf depuis de longues années. Il est le gardien du savoir et de la pureté de la religion musulmane dans le cercle de Bourem. Il auteur de plusieurs traités de philosophie religieuse hautement appréciés dans les communautés maraboutiques du Nord Mali. Le grand maître a écrit "Almaqarize", un traité de théologie de 500 hadiths. Le cadi de Tilemsi est réputé pour ses livres de grammaires arabes, de Alfiqh, l'interprétation du Coran. La basse tente en peau d'animaux, lui sert de bibliothèque. Elle abrite de nombreux tomes écrits en Arabe, couverts par un plastique noir pour les protéger des intempéries, particulièrement de l'humidité lorsqu'il pleut. Le cadi se réjouit du dynamisme intellectuel des populations sous son autorité. Il embrasse du regard les dizaines d'habitation qui l'entoure et commente avec humilité:<<>>, indique le Cadi. <>, renchérit Issa Ag Mohamed Assalekh, chef de fraction de la communauté, grand docteur de la foi. Le premier puits : Les marabouts de Temaslit reçoivent des étudiants des contrées voisines de Bourem, Kidal, Tarkint, Gao. Ils en arrivent même d'Algérie, de la Mauritanie, du Niger, du Nigeria. Et pourtant ce centre universitaire arabe est un lieu anonyme, inconnu des beaucoup de maliens et même des autorités. Ces dernières viennent juste de commencer le creusement d'un puits à grand diamètre pour une des communautés touareg les plus démunies, les pacifiques Ifaqaren.Cette tribu studieuse vit dans la prière et la piété. Chaque jour, un collège de 40 érudits se réunit sous la tente du patriarche pour discuter d'un thème, précise Amoyaqi Ag Oulamine. Il est le neveu de l'actuel Cadi et fils du prédécesseur défunt. Il est lui-même grand docteur en théologie. <>, affirme-t-il. Le postulant est intégré après avoir présenté un thème sur un sujet relatif à la religion, au droit musulman, à la grammaire arabe, ou au Alfiqh. <<>>, conclut Amoyaqi Ag Oulamine. <> clame Issanant Ag Ahmid, un autre enseignant dans une école moderne de Tarkint. Il a effectué des recherches sur les Ifaqaren. Le hameau de Temaslit et ses bibliothèques enfouies dans le sable forment une autre merveille du monde, mais méconnue. G. A. DICKO
Autant les manuscrits de Tombouctou méritent une grande attention, autant ceux de Temaslit méritent d'être étudiés par les chercheurs. Dans une zone perdue dans le Tilemsi, des hommes de culture ont réussi le miracle créer et d'entretenir, depuis des lustres, des bibliothèques sous de fragiles tentes de peau.
Le Tilemsi est connu pour l'infinité de son étendue. Dans ce vaste espace les mirages forment des étangs infinis. Les citrylus dominent une végétation d'acacias parsemée sur une terre où l'herbe est rabougrie. Le sol est fendillé par les rayons d'un soleil toujours cuisant. La plaine de sable, à travers les fissures, semble implorer une ondée du ciel. Même si cette pluie tombe l'eau sera avalée en une journée par des mottes de terre assoiffées, asséchées et cuites par des années de déficit hydrique. Ici, dans les contées lointaines du Tilemsi la désolation enveloppe tout. La misère se prédit. La vie s'accommode d'une impressionnante population de teignes et de gales. La découverte d'une bibliothèque riche de plus de mille ouvrages dans un monde aussi aride relève du miracle. Les auteurs des ouvrages répertoriés sont tous des autochtones. Leur lignée vit sur ces terres depuis 5 siècles. La capacité d'adaptation de ces population et la force de leur instinct de survie sont exemplaires.Des classes sous les arbres : Nous sommes à Temaslit. Ce nom signifie "les échos" en langue tamacheqt. Le village est situé à 18 km à l'ouest de Tarkint, petite localité perdue au sud -ouest de Tilemsi. Elle jouxte une vaste plaine. Des centaines de troupeaux de moutons roux et de chèvres aux couleurs bigarrées paissent sur ce territoire. Le village constitue l'un des plus grands hameaux nomades touaregs du Mali. L'ensemble se compose d'une dizaine de maisons construites avec des briques confectionnées avec un mélange de sable et d'argile rougeâtre. Le décor est meublé de centaines de tentes en peau de chèvre, de mouton ou de chameaux. Elles sont éparpillées à perte de vue. Entre les habitations basses poussent des pieds de dattiers sauvages, des gommiers et des touffes à moitié enterrées de Panicum, une sorte de fonio de sable. Les ombres clairsemées servent de lieu de repos pour les cabris, les agneaux et les chamélons. Assis sous les quelques arbres au feuillage fourni, des enfants mal habillés, aux têtes teigneuses et au corps squelettique apprennent par cœur les 114 sourates du Saint Coran. Les bambins ont accroché des chambres à air de camion gonflées d'eau à un arbre non loin de "leur classe". Les pneumatiques, transformées pour les besoins de la cause, sont récupérés sur les véhicules des trafiquants, qui sillonnent le désert. A Temaslit, ces récipients atypiques servent de gourdes à la place des classiques besaces en peau d'animaux domestiques. Au centre du hameau est érigée la tente du Cadi, Abdou Ag Sididi, le patriarche de la communauté Ifaqaran. Cet homme, respecté de tous, est à la fois l'imam, le cadi et le plus grand professeur de théologie de la communauté. Il est âgé de 76 ans. Mais il n'a rien perdu de la vivacité de son esprit. L'érudit est très perspicace. Il fait preuve d'un remarquable sens de l'humour, qui n'altère en rien la vénération dont il jouit au sein des siens. Le dignitaire Abdou ag Sididi est veuf depuis de longues années. Il est le gardien du savoir et de la pureté de la religion musulmane dans le cercle de Bourem. Il auteur de plusieurs traités de philosophie religieuse hautement appréciés dans les communautés maraboutiques du Nord Mali. Le grand maître a écrit "Almaqarize", un traité de théologie de 500 hadiths. Le cadi de Tilemsi est réputé pour ses livres de grammaires arabes, de Alfiqh, l'interprétation du Coran. La basse tente en peau d'animaux, lui sert de bibliothèque. Elle abrite de nombreux tomes écrits en Arabe, couverts par un plastique noir pour les protéger des intempéries, particulièrement de l'humidité lorsqu'il pleut. Le cadi se réjouit du dynamisme intellectuel des populations sous son autorité. Il embrasse du regard les dizaines d'habitation qui l'entoure et commente avec humilité:<<>>, indique le Cadi. <
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